LA MORT TRANSFIGURÉE

Recherches sur les expériences vécues aux approches de la mort (NDE)

 

Sixième partie

Les paradoxes du processus évolutif

Introduction

Témoignage

 

1.

LA NDE DU MYTHE AU RITE,

OU LE DÉVOILEMENT D'UNE VOIE DE TRANSFORMATION 1

Évelyne-Sarah MERCIER
anthropologue
« Je ne connaîtrais pas la peur, car la peur tue l'esprit. La peur est la petite mort qui conduit à l'oblitération totale. J'affronterai ma peur. Je lui permettrai de passer sur moi, au travers de moi. Et, lorsqu'elle sera passée, je tournerai mon oeil intérieur sur son chemin. Et là où elle sera passée, il n'y aura plus rien. Rien que moi. »

Franck Herbert
(Dune)


 
 

La NDE n'est pas une expérience nouvelle, elle n'a fait qu'apparaître récemment en tant que telle au grand public, parce qu'un psychiatre américain, Raymond Moody, l'a découverte en la modélisant.

On peut la reconnaître sous différentes formes, finalement très proches, à travers des cultures modernes et traditionnelles, contemporaines ou très anciennes. C'est donc un invariant qui se révèle à notre regard actuel. Il nous semble aussi important de l'étudier pour accroître nos connaissances sur la nature et le fonctionnement de l'homme que d'en tirer des conséquences pratiques 2.

L'existence d'éléments structurels communs entre NDE, initiations et mythes traditionnels apparaît plus ou moins clairement. Dans certains cas les mots employés sont strictement les mêmes, dans d'autres cas, il faut passer par le symbole.

Ainsi, le symbole de la sortie du corps, exprimé traditionnellement par le vol (les ailes, les plumes), l'échelle céleste, l'arbre du chaman, etc., revient de nos jours sous la forme inchangée du vol, mais aussi sous celle de l'ascenseur. L'apparition de qualificatifs plus abstraits montre simplement l'évolution du savoir et des capacités réflexives. Pour les expérienceurs contemporains, cette progression de la pensée, cette éducation de l'observation viennent s'appliquer à un domaine de la psyché sous-développé dans nos sociétés. Nous bénéficions donc de compléments d'information extrêmement importants. Cette nouvelle approche remet à l'ordre du jour certaines interrogations d'ordre ontologique, fondamentales, et soulève l'espoir d'y répondre de façon neuve.

Il semblerait, par exemple, que les expérienceurs aient accès à un domaine du réel plus concret qu'un simple imaginaire.

Cela ne concerne pas seulement des visions ou des apparitions, mais aussi des sensations qui évoquent un réel itinéraire physique. Y aurait-il passage obligé dans des structures corporelles conditionnant l'accès à d'autres dimensions ? Et de quel ordre sont ces dimensions ?

Deux axes de recherche seront privilégiés dans cet article.

Dans une première démarche, nous ferons apparaître la NDE comme une matrice fondamentale de la psyché, qu'elle transparaisse dans des récits anciens ou à travers des pratiques initiatiques.

Notre seconde approche visera à repérer les indices d'un modèle de conversion. Nos sources seront de nature différente : documents plus délicats à interpréter et NDE récentes, beaucoup plus précises que les témoignages courants. Certains expérienceurs, en effet, ont rapporté de leur expérience des détails rares et significatifs, Ces témoins manifestaient, par ailleurs, des qualités de discernement, une sobriété émotionnelle et un goût pour la recherche scientifique qui rendaient très fiables leurs descriptions.

Il est impossible, pour un tel thème de recherche, de se contenter d'une démarche « scientifique classique ».
 
 

Plutôt que raisonner, entrer en résonance

Il s'agit avant tout de faire de l'anthropologie profonde. C'est-à-dire « une lecture réelle du comportement humain, derrière tous les avatars et accidents des localisations géographiques, culturelles et historiques 3 ».

Mais, plus encore, il s'agit d'une recherche du sens, d'une tentative d'herméneutique, dirait Mircea Eliade. Cette recherche de la signification, de la fonction, du but derrière le rite, le mythe, le symbole, la figure divine, etc., ne peut se faire avec les moyens du savoir ordinaire. C'est par une descente intérieure que le chercheur atteindra les significations latentes. Trouver ces clefs, c'est révéler, et cela implique que le chercheur lui-même se transforme. Eliade va jusqu'à considérer que c'est une technique spirituelle.

Point de vue radicalement confirmé par Max Guilmot 4, puisqu'il déclare : « les textes religieux, pour être compris, doivent être éprouvés, et leur interprétation correcte n'est possible qu'à partir d'une orientation spiritualiste de la pensée ».

S'inscrivant dans ce courant de pensée, l'hypothèse soutenue dans ce texte est que la NDE est une expérience archétypique. Selon la définition de Mircea Eliade, l'archétype est « un modèle exemplaire, révélé dans le mythe et réactualisé dans le rite 5 ».

N'oublions pas que le mythe, pour cet auteur, est un phénomène universel, qui fonde les structures du réel. Nous sommes donc à un niveau de réel plus réel, ou plus profond, ou plus fondateur.

Le mythe ne raconte pas des histoires fantaisistes pour instruire ou chapitrer les hommes un peu naïfs. Le mythe décrit le réel, le vrai, celui qui se cache derrière les apparences du monde concret. Il nous parle de ce monde, inaccessible à notre expérience courante immédiate, mais néanmoins présent.

A travers des images, le mythe traduit ce que le langage ne peut exprimer. Ces images, à travers l'espace et le temps, se recoupent, se rassemblent, forment des groupes ayant la même signification, ou se retrouvent parfois complètement identiques.

Quand nous disons archétype, nous voulons dire qu'à travers tous les mythes d'hier et nos rapports contemporains nous devons retrouver une communauté d'images, d'épisodes, d'émotions, de répercussions, qui révèle un modèle, une matrice transcendant l'espace et le temps, pour faire vivre aux hommes, dans des circonstances particulières (l'approche de la mort, en l'occurrence), une même expérience, que nous connaissons de nos jours sous le nom de NDE.

Pour résumer, l'archétype que le mythe révèle est un modèle virtuel de l'existant. Selon la définition de Jung, c'est une forme vide, une facultas praeformandi, une sorte de moule dans lequel, quand les circonstances le permettent, vient s'actualiser, se réaliser, se concrétiser l'expérience psychique personnelle avec ses colorations particulières.

Si le mythe révèle l'archétype, c'est-à-dire le désigne et le montre, le rite, lui, a pour fonction de l'actualiser, de le faire se manifester, apparaître sous une forme. En d'autres termes, le rite a pour fonction de faire vivre à l'homme un aspect de la transcendance : lui donner accès, en conscience, à sa propre nature transcendante, ainsi qu'à la transcendance qui l'inclut, et dans laquelle il s'inscrit.

Nous irons rechercher, dans un premier temps, des récits anciens montrant une similarité d'expérience, puis, du côté des rites d'initiation, une similarité de fonction. Dans un troisième temps, nous nous intéresserons à un itinéraire initiatique qui transparaît dans les mythes, les rites et les NDE.
 
 

NDE et récits traditionnels : réalité d'un mythe

Le terme « sociétés traditionnelles » recouvre les civilisations différentes de la nôtre. Il souligne « le rôle qu'elles ont joué jusque-là dans l'humanité : conserver et transmettre d'âge en âge un même lot de certitudes issu, peut-être, d'un même enseignement, d'une même tradition 6 ».

Il existe, dans ces cultures, des récits considérés comme des mythes qui, sous des formes diverses (histoire particulière d'un individu, enseignement philosophique personnel, Livre des morts, pratique d'aide aux mourants, etc.), décrivent les phases d'une NDE. Comme dans nos rapports modernes, on trouve rarement tout en chacun d'eux, mais le schéma type est reconnaissable dans tous.

Il était impossible d'analyser ces récits de façon exhaustive. Les parties extraites l'ont été soit parce qu'elles sont significatives, soit parce qu'elles ont été rarement traitées 7.
 
 

Le mythe d'Er

Le plus connu de ces récits est sans doute le mythe d'Er, fils d'Arménios, originaire de Pamphylie, mythe qui se trouve à la fin de La République de Platon 8.

Laissé pour mort sur un champ de bataille, Er se réveille dix jours plus tard et raconte son aventure. Accompagné par d'autres âmes, il est arrivé en un lieu divin. Il a assisté au jugement des âmes, ainsi qu'à leur montée vers le ciel ou à leur descente vers des lieux inférieurs ; il a vu leur liberté de choix dans leur future réincarnation, l'attribution d'un ange gardien pour cette vie future, l'abreuvement dans le Léthé, fleuve de l'oubli. Il avait pour mission de revenir raconter aux hommes ce qui se passait dans l'au-delà.

L'aspect qui nous semble le plus intéressant à interpréter est l'arrivée à la lumière. Il sera commenté dans le dernier volet de cet article.
 
 

La mort apparente de Thespésios

Un autre mythe également très connu est celui de « la mort apparente de Thespésios » rapportée par Plutarque 9.

Ce mythe est très classique. On y retrouve des éléments complémentaires. Le point le plus fort est sans doute le revirement total du mode de vie de Thespésios après sa mort provisoire : débauché et malhonnête avant sa NDE, il devient l'homme le plus vertueux après. Parmi les spécificités de ce cas, quelques rapprochements avec des cas contemporains sont frappants :

« Dès que son. âme pensante fut tombée de son corps, sa première impression fut celle que pourrait éprouver un pilote projeté de son bateau dans l'abîme. Et puis, émergeant un peu, il lui sembla que tout son être respirait librement, et qu'il voyait de tous les côtés à la fois, son âme s'étant ouverte comme un oeil unique [...]. Il voyait [...] les astres devenus immenses, séparés par des espaces infinis qui émettaient un éclat merveilleusement doré et doué d'énergie. Aussi son âme, doucement emportée sur cette lumière comme sur une mer tranquille, se mouvait en tous sens avec aisance et rapidité. »
Un de nos témoins, une femme d'une quarantaine d'années, mère de quatre enfants, nous a raconté qu'ayant eu un arrêt cardiaque elle s'était sentie tomber au fond de l'eau (sensation de noyade liée à l'arrêt cardiaque) ; puis s'était surprise à respirer sous l'eau, pour ensuite remonter à la surface comme un bathyscaphe, vers une lumière extraordinaire et infinie. Jouant sur les mots, elle avait baptisé cette lumière-énergie « système-D », en l'occurrence « système-Dieu » ou « système-Dynamo ».

Un autre détail très touchant est la rencontre de Thespésios avec l'âme de son cousin, mort alors qu'il était enfant et qu'il hésite, pour cette raison, à reconnaître. Une dame, âgée de la cinquantaine, qui vécut une NDE il y a environ quinze ans, raconte qu'elle y a revu son petit frère décédé à sept mois, alors qu'elle avait onze ans. Il était devenu un jeune homme resplendissant de lumière.

Thespésios assiste à des scènes d'enfer : aveux et châtiments, l'équivalence du bilan de vie. Il voit des scènes de torture infligées à ceux pour qui le châtiment était retombé aussi sur les enfants et les descendants. Non seulement ils payaient pour leurs propres méfaits, mais ils étaient poursuivis par la vengeance de leurs descendants qui les faisaient revenir au début de leur cycle de châtiment, et ainsi de suite.

Il y a là une composante transgénérationnelle que l'on pourrait rapprocher de l'analyse de Didier Dumas.
 
 

Plotin

Chez Plotin, il n'y a pas à proprement parler de mythe personnel ; c'est-à-dire que l'auteur ne passe pas par la fiction d'une histoire individuelle pour parler du voyage de l'âme ; mais Plotin aurait fait deux expériences de mort imminente. On trouve, dans sa sixième Ennéade 10, quelques indications tout à fait illustratives :

« Quiconque a vu, sait ce que je dis ; il sait que l'âme a une autre vie, quand elle s'approche de lui [Dieu], est près de lui et y participe ; dans cette disposition, elle sait que celui qui donne la vie véritable est là ; et elle n'a plus besoin de rien. Tout au contraire, il lui faut déposer le reste et s'en tenir à lui seul. [...] Ici même l'on peut le voir et se voir soi-même, autant qu'il est permis d'avoir de telles visions ; on se voit éclatant de lumière et rempli de lumière intelligible ; ou plutôt, on devient soi-même une pure lumière, un être léger et sans poids ; on devient, ou plutôt on est, un Dieu, embrasé d'amour... jusqu'à ce que l'on retombe sous le poids, et que cette fleur se flétrisse. »
Dans un autre chapitre : « Descendre dans l'Hadès veut dire, si Hadès signifie invisible, se séparer du corps ; si Hadès signifie lieu inférieur, l'expression n'a pas un sens extraordinaire, puisqu'elle veut dire que l'âme est aux lieux mêmes où est notre corps [...]. Mais lorsque l'âme tourne son rayonnement sur elle-même, en s'inclinant alors de l'autre côté, elle se ramasse dans la totalité de l'être ; alors elle n'est plus particulière en acte, mais elle ne périt point. »

Nous reconnaissons un discours très contemporain. Ce texte est superbe et comporte un point très significatif : ce retournement de la perception, nécessaire à la vision, et l'identification de notre nature de lumière. C'est quand l'âme peut se retourner sur elle-même, c'est-à-dire s'intérioriser, qu'elle passe dans le Tout-Autre. Comme dans les techniques ascétiques, il faut tuer les sens externes pour que s'éveillent les sens internes ; il faut que se produise une inversion.
 
 

Grégoire le Grand

Grand aristocrate romain converti, ambassadeur du pape à Constantinople, Grégoire le Grand raconte, dans Dialogues 11, comment un soldat, laissé pour mort, visita l'au-delà. Il y vit un pont dangereux à traverser, épreuve terrible, avant d'arriver à des paysages champêtres et délicieux, peuplés d'hommes en blanc, remplis d'odeurs suaves, de maisons pleines de lumière, certaines même en or.
 
 

La vision de Drythelm

Au Vllè siècle, le moine Bède 12 raconte l'histoire de Drythelm, pieux laïc, père de famille, habitant près de la frontière écossaise. Il tomba gravement malade et un soir mourut. A l'aube, revenant à lui, il mit en fuite ceux qui le veillaient ; sauf sa femme, fort heureuse de ce retour. Drythelm partagea alors sa fortune entre sa famille et les pauvres et se retira dans un couvent où il vécut dans la Pénitence.

Voici ce qui lui était arrivé : un brillant personnage vêtu de blanc l'avait conduit vers l'est à travers une vallée tourmentée, peuplée d'âmes : il assista à des spectacles infernaux ; puis soudain une lumière apparut et grandit. Le guide accompagna Drythelm dans de vastes prairies brillantes, vertes, et parfumées, où se tenaient des hommes en blanc discutant par groupes. Ils allèrent ensuite dans des lieux encore plus lumineux, après avoir franchi, de façon incompréhensible, un mur infini ; en cet espace, des chants très doux s'élevèrent, les parfums et la lumière étaient tels que la précédente prairie parut fade. Drythelm voulait rester, mais son guide lui dit qu'il fallait rebrousser chemin. Il le chapitra et lui dit : « Tu dois maintenant retourner à ton corps et revivre parmi les hommes. » Avant même d'avoir pu formuler une question, Drythelm se retrouva vivant parmi les hommes.

Les similitudes s'imposent : les guides vêtus de blanc sont présents dans nos récits d'aujourd'hui, certains témoins sentent des parfums, nombreux entendent des chants très doux ou des musiques, voient au-dessus d'obstacles, ne désirent pas revenir sur terre, mais on le leur ordonne. Les deux sortes de lumière sont mentionnées.

La grande différence entre ces NDE anciennes et les nôtres est l'emphase mise, avec luxe de détails horribles, sur les visions d'enfer et de purgatoire. Il est probable que des rajouts ont été faits, à des fins d'édification du « bon peuple ». C'est en effet l'idée qui vient, à comparer la sobriété des visions paradisiaques très semblables aux nôtres et l'exagération patente des visions infernales, alors qu'elles sont quasi absentes actuellement et, semble-t-il, bien moins terribles.
 
 

Num et les guides blancs

Notre dernière illustration n'est pas une NDE ancienne. Elle date de la fin des années 50, mais a été vécue par un indigène dont la culture était très différente de la nôtre 13. Num, notre témoin, appartenait à la tribu des Jaraïs, séjournant dans les hauts plateaux du Viêt-nam. Ces tribus sont insensibles au catholicisme et très hostiles aux missionnaires. Elles ont une religion animiste, adorent les montagnes, les arbres, des génies (les yangs), sont très superstitieuses, se fient au moindre auspice, font des sacrifices de buffles et du feu avec des pierres.

Num fut laissé pour mort trois jours durant, avant que son ami ne le ramène à la vie avec de la streptomycine à fortes doses. Il en est ressorti complètement transfiguré. Il raconta avoir vu des choses extraordinaires. Il s'était retrouvé sur la montagne sacrée, dans une grande lumière. Là, des personnages vêtus de blanc, qu'il avait associés à des Français, et non à des personnages religieux, lui avaient prodigué des paroles apaisantes. L'un d'entre eux, précisa-t-il, avait une barbe jaune. Il s'était senti tout heureux. Sa femme et le sorcier n'en revenaient pas, et personne ne voulait le croire, mais il affirmait : « Non, ce n'est pas un rêve ! » Il semblait avoir vu des choses très tangibles. Ce n'est que longtemps après son retour en France, que notre narrateur, lisant Moody, a fait des rapprochements.

Ce témoignage ouvre un débat sur la nature des entités : les personnages vêtus de blanc sont rapportés à la fois dans les NDE anciennes, les NDE contemporaines occidentales et cette NDE indigène. Une série de questions peuvent se poser : les hommes en blanc sont-ils la projection de la puissance rassurante rencontrée par Num, sous la forme du pouvoir médical occidental en train de le ramener à la vie ? Le blanc est-il la transposition de l'état de lumière des entités rencontrées ? Num ne les a pas reconnues comme des figures religieuses. Est-ce parce que son panthéon culturel ne l'y prédisposait pas ? Mais si l'assimilation des entités blondes et blanches à des Français est réduction de l'inconnu au connu, ne seraient-elles pas ces guides décrits dans les NDE occidentales ? Cette réduction est à rapprocher de celle des enfants qui ont une NDE en milieu hospitalier : il leur arrive souvent de croire que les entités sont des médecins, eux aussi vêtus de blanc.

N'ayant pas de rapport détaillé, il est difficile de faire le point. Mais, si l'on se réfère à l'hypothèse de l'adaptation des figures rencontrées en fonction de la culture, il est surprenant que Num n'ait pas rencontré des esprits végétaux ou des génies. Il y a là quelque chose qui résiste. Invoquer une figure archétypique est-il suffisant ? Jusqu'à quel point la forme est-elle prédéterminée ? Y aurait-il substrat, c'est-à-dire présence d'instances d'accueil, dans une réalité psychique ou autre ? La réponse est peut-être du côté de l'imaginal, dont il sera question plus loin.
 
 

Deux grands livres des morts

Deux grands textes traditionnels ont pour objet de décrire le passage dans la mort et la vie posthume dans l'au-delà. Ce sont le Livre des morts égyptien et le Livre des morts tibétain. Etrangement, l'Occident n'a pas conservé le sens réel de leurs titres. On aurait pu les intituler tous deux Livre de l'éveil. Ces livres sont, en effet, des livres d'imitation, qu'il convient d'avoir lus et intégrés avant la mort, pour se préparer à celle-ci.
 
 

Le Bardo-Thôdol

Le titre exact du Livre des morts tibétain est Enseignement que l'entendement délivre dans le bardo, bardo voulant dire : entre-deux (entre deux états de conscience). Il existe six bardos. On doit lire au chevet du mourant ce texte, qui est destiné à maintenir sa conscience en éveil, pour que celle-ci puisse affronter avec succès les épreuves et les illusions, et enfin atteindre la libération.

Il n'est pas facile de faire coïncider les moments décrits par le bardo et ceux de la NDE. On peut néanmoins considérer que la NDE se produit dans cet entre-deux, décrit sous les appellations Chikaï bardo, ou bardo du moment de la mort, et Chônyid bardo, ou bardo de l'expérience de la réalité.

Ces deux dénominations indiquent déjà une similitude avec les états que nous étudions. Le premier signifie que l'on décrit ce qui se passe à l'agonie, et le second décrit l'atteinte vécue d'une connaissance, exprimée comme telle par les expérienceurs, Grâce aux techniques de réanimation, des états considérés par les Tibétains comme irréversibles sont probablement, à l'heure actuelle, des états de mort provisoire. Les descriptions contenues dans ces textes confirment d'ailleurs explicitement que nous sommes dans des états similaires 14.

Ecoutons ce qu'ils disent en substance :

« Maintenant, tu vas la connaître dans sa Réalité [la grande lumière], [...] ton intelligence, non entravée, brillante, universelle et heureuse, c'est la conscience même : le Bouddha universellement bon. [...] Lorsque le principe-conscient sort du corps, il se demande : suis-je mort ou non ? Il ne peut le déterminer; il voit ses proches, son entourage, comme il les voyait avant. Il entend leurs plaintes. [...] Durant le second stage du bardo, le corps est dans l'état appelé le corps d'illusion brillant. [...] Le défunt peut entendre les pleurs et les gémissements de ses amis, de ses parents ; surtout il peut les voir, entendre leur appel, mais comme ils ne peuvent savoir qu'il leur répond, il s'en va, mécontent. A ce moment, des sons, des lumières, des rayons se manifestent à lui. Ô noble fils, au moment où ton corps et son esprit se sont séparés, tu as connu la lueur de la Vérité pure, subtile, étincelante, brillante, éblouissante, glorieuse et radieusement impressionnante, ayant l'apparence d'un mirage passant sur un paysage au printemps en un continuel ruissellement de vibrations. Ne sois pas subjugué, ni terrifié, ni craintif. Cela est l'irradiation de ta propre et véritable nature. Sache le reconnaître. Du centre de cette radiation sortira le son naturel de la Réalité, se répercutant simultanément comme des milliers de tonnerres. Cela est le son naturel de ton propre et véritable être. Le corps que tu as maintenant est appelé le corps-pensée des inclinations. Depuis que tu n'as plus un corps matériel de chair et de sang, quelque chose qu'il advienne : sons, lumières ou rayons, aucune de ces choses ne peut te faire de mal. Tu n'es plus capable de mourir. Il est bien suffisant pour toi de savoir que ces apparitions sont tes propres formes-pensées. »
D'autres textes viennent compléter les informations contenues dans ce grand texte.

Alexandra David-Neel 15 a traduit ainsi un texte qui doit être récité au chevet du défunt

« Il t'arrivera de te trouver en des pays qui te sont inconnus. Tu percevras avec l'oeil divin la puissante illusion des choses. Tes sens ayant leur pleine puissance, leur activité s'exercera sans obstacles. Précédemment, quand tu voulais te rendre dans un pays lointain, il te fallait prendre beaucoup de peine. Maintenant, dès que tu en as le désir, en pensée tu y es arrivé. Quel que soit le lieu où tu te trouveras, les facultés de tes sens seront complètes, mais ton corps ne projettera pas d'ombre. Tu peux traverser, sans rencontrer d'obstacle, les montagnes, les barrières, les bâtiments et les rocs les plus durs. Si tu vas vers un des séjours de la béatitude, tu verras de l'or pur, des étoffes de drap blanc et un blanc clair de lune. »
L'enseignement du Très Vénérable Kalou Rinpotche 16 apporte encore d'autres détails intéressants. Parmi les états mentionnés, nous retiendrons pour notre étude « des états instables et fugaces, qui sont comparables aux mirages dans le désert; une impression d'engloutissement liquide et des sensations d'embrasement ; des perceptions de fumées et de volutes de lumières ; l'expérience de points lumineux, semblables à des lucioles ; l'existence de trois lumières successives : la luminosité blanche, comparable à la clarté lunaire, puis l'expérience de la luminosité rouge, semblable à la lumière du Soleil, et l'expérience de la luminosité noire, avec la révélation de la Claire Lumière, qui est la réunion de la Claire-Lumière-fille et de la Claire-Lumière-mère fondamentale. Cette perception étant le moment de l'éveil ».

Les rapprochements s'imposent, notamment les caractéristiques de l'entité immatérielle et invisible sont identiques. D'autres points spécifiques ont attiré mon attention : sensation de noyade ; perception de petites lumières ; existence de différentes lumières : une première lumière, souvent décrite comme blanchâtre, cotonneuse, ou comme un nuage qui serait éclairé par-derrière ; une deuxième (celle classiquement décrite), et une lumière noire, citée par un seul de nos témoins (Kalou Rinpotche dit effectivement qu'elle est rarement perçue). C'est dans cette luminosité noire, selon Kalou Rinpotche, que peut se produire l'expérience de l'union de notre partie lumineuse terrestre avec la lumière fondamentale. Les expérienceurs parlent effectivement de leur fusion avec une énergie-source, qui est à la fois autre et de même nature.

L'enseignement qui me semble essentiel est, d'une part, la nature de la Claire Lumière primordiale, définie comme l'« irradiation de notre propre nature » et d'autre part, le caractère projectif de toutes les apparitions : ce sont nos propres formes-pensées, dont il ne faut pas avoir peur. Si nous savons les reconnaître, elles se dissoudront d'elles-mêmes.
 
 

Le Livre des morts égyptien

Le titre exact de ce recueil de textes est Sortie vers la lumière du jour 17.

Le Bardo-Thödol, plus récent, a un langage plus direct que le Livre des morts égyptien, qui propose au mort une série d'identifications à des divinités symboles nécessitant une interprétation. Toutefois, certains passages sont extrêmement clairs.

Paul Barguet en résume ainsi le contenu : « Ce qui ressort de l'ensemble, c'est le triomphe de la vie sur la mort, exprimé de façon concrète par l'assimilation du mort au dieu Rê, le soleil qui revit chaque matin 18. »

Le mort égyptien se trouve dans le royaume de la lumière. Il dit : « Ouvrez pour moi la marche du Lumineux », ou encore : « Je suis cet invisible de forme qui est dans la lumière 19. »

Max Guilmot 20 retrouve, dans son commentaire, des phrases de témoins contemporains : « Ce que l'on nomme la mort est une modification de l'énergie vitale. De fait, la mort n'existe pas. Mourir, c'est passer à son Ka ; c'est vivre en se mêlant à l'énergie cosmique. »

Il est aussi déclaré dans le Livre des morts égyptien : « Celui qui connaît ce livre sur terre peut sortir au jour sous tous les aspects qu'il désire prendre 19. »

L'important était de bien se préparer, de son vivant, à la mort, pour y renaître comme le soleil. Symbolisant ce processus, l'un des principaux rites initiatiques égyptiens consistait à faire passer le néophyte par une sorte de matrice de renaissance, où il prenait une position de foetus.
 
 

Actualisation de la NDE dans les rites initiatiques

Les récits précédents nous parlent d'expériences quasi-superposables à nos NDE, qu'elles soient des récits individuels ou des généralisations. Il existe cependant d'autres types de sociétés traditionnelles, qui n'ont pas éprouvé le besoin de transmettre de telles histoires individuelles. Dans ces sociétés dites « primitives », la notion d'individualité est, en effet, beaucoup moins importante.

L'étiquette ethnologique « primitive » a souvent pris un sens péjoratif, mais elle signifie seulement que ces peuples ignorent l'écriture, les formes sociales et les techniques des sociétés dites « évoluées ». Bien entendu, un peuple primitif n'est pas un peuple arriéré, ni attardé.

Il existe, dans ces sociétés, des pratiques universellement répandues, et identiques dans leur structure et leur thème central, tout à fait pertinentes pour analyser les NDE. Il s'agit des rites d'initiation, qu'ils soient individuels, comme l'initiation chamanique, ou collectifs comme les rites de passage d'une classe d'âge.

L'homme des sociétés primitives ne se considère pas « achevé », tel qu'il s'est trouvé fait par sa naissance biologique : « pour devenir homme proprement dit, il doit mourir à cette vie première (naturelle) et renaître à une vie supérieure, qui est à la fois religieuse et culturelle. En d'autres termes, le primitif place son idéal d'humanité sur le plan surhumain 5».

Partout, dans les sociétés traditionnelles, « la mort est une initiation, une introduction à un autre mode d'être 5 » ; c'est une expérience extatique. La différence par rapport aux autres états d'extase est que l'âme quitte cette fois le corps pour de bon. Le rite d'initiation est, en quelque sorte, un entraînement, une répétition, une avant-première.

D'un bout à l'autre de la terre, les thèmes initiatiques sont toujours les mêmes : une mort suivie d'une résurrection, d'une naissance à une vie nouvelle. L'initié est appelé re-né ou né deux fois. Son corps est dit bourré de cristal de roche, c'est-à-dire de matière spirituelle. Le cristal représente symboliquement le plan intermédiaire entre le visible et l'invisible. L'expérience du rite révèle à l'homme primitif, son état de continuité au-delà de la mort. Transformant sa sensibilité, elle imprime dans sa chair une capacité à contacter l'invisible 6.

En Australie, par exemple, le candidat chaman reste plusieurs nuits couché sur les tombes. Pour l'étourdir, un vieux prêtre lui lance des cristaux de roche qui le blessent à la tête et à la poitrine. En tombant, le néophyte sait que le vieillard va le dépecer, lui enlever tous ses organes internes, intestins, foie, coeur, pourrions. Il reste étendu toute la nuit sur le sol, attendant le retour, la nuit suivante, de son initiateur qui doit lui bourrer le corps de cristaux de roche, le recouvrir de feuilles et chanter pour que repoussent des organes nouveaux. Ce rite accompli, le prêtre tapote la tête du néophyte pour le ranimer. Il se réveille alors, ayant tout oublié de son passé humain. De retour au camp, l'initié se conduit comme un amnésique. Les gens dont il a partagé la vie, femme, enfants, comprennent qu'il n'est plus des leurs, qu'il est devenu un homme de l'invisible.

Au Congo, les garçons d'une dizaine d'années doivent avaler une boisson que les anciens leur présentent comme un poison. Ils perdent connaissance et sont transportés dans la jungle, à l'écart. Ils y sont circoncis par des hommes masqués, puis enfermés dans une maison ; ce qu'ils ressentent comme un ensevelissement. Ils se réveillent peints en blanc, comme des spectres, et pendant un certain temps ils ne doivent vivre que de vols, pour symboliser le vol de l'âme par la mort. Au retour, ils ont tout oublié : leur vie, leurs parents, leurs amis ; ils doivent réapprendre à marcher, à se nourrir, à boire et à parler. Ils ont d'étranges comportements : ils marchent et agissent à rebours. Pendant leur initiation, leurs mères les ont pleurés comme s'ils étaient morts.

En Afrique centrale, les Pangwe vont jusqu'aux tortures. Les néophytes sont livrés aux fourmis, ce qui symbolise la mort de la chair : ils sont mis devant une tombe ouverte, dans laquelle est allongée une statue représentant un ancêtre mythique. Ils doivent franchir la tombe, d'une certaine manière, pour signifier leur ascendance, leur passage dans la mort et leur renaissance de la putréfaction.

On pourrait citer des séries de rites similaires, aux variantes symboliquement identiques.

Le néophyte doit vivre sa mort. Il s'agit d'un passage empirique, La mort est vécue sur un mode symbolique, dans une théâtralisation, mais intérieurement vécue comme réelle. Comme dans la NDE, il s'agit d'une fausse mort vécue comme réelle et d'une renaissance ; terme employé explicitement par les témoins contemporains, qui parlent aussi d'initiation. Au niveau des répercussions, ce vécu fonctionne comme une préparation à la mort biologique, qui ne fait alors plus peur.

L'initié, par le rite, trouve sa place dans le cosmos et dans sa société. La cosmogonie qui lui a été transmise, et qu'il a vécue empiriquement, donne un sens à sa vie. Chez l'expérienceur, on observe une nouvelle Weltanschauung (vision du monde) - qu'il ira au besoin consolider dans des corps de pensée existants -, une nouvelle insertion dans son milieu et un nouveau sens de la vie.

En termes de fonction - c'est-à-dire de but à atteindre - et dans le principe de base, nous avons bien une même expérience.

A la lumière des rites d'initiation et comme eux, la NDE est une expérience qui institue un ordre relevant du religieux, au sens très général, c'est-à-dire qui se réfère à l'expérience du sacré. Ce sacré qui, selon Eliade, correspond aux valeurs d'être, de signification et de vérité.

Ces valeurs apparaissent effectivement dans le discours des témoins. Ils abandonnent explicitement un monde régi par les valeurs de l'avoir (accumulation de biens, carriérisme, apparences) pour un monde régi par les valeurs de l'être (amour, connaissance, service, réalisation personnelle, authenticité, etc.) Tout leur comportement est tourné vers une recherche d'herméneutique ; un monde de symboles, de signes, surgit pour leur indiquer la signification de leurs actes et des événements qui se produisent. La foi qui les imprègne, enfin, témoigne de cette vérité atteinte dans une expérience « plus réelle que la réalité, plus vraie », qui leur a donné l'accès à des vérités sur la vie, la mort, la survie... Cette certitude pouvant d'ailleurs aller jusqu'à confondre « ma vérité » avec « la vérité ».

L'initiation, résume Mircea Eliade, a pour fonction essentielle de faire passer l'homme d'un statut profane à un statut religieux. C'est une expérience religieuse dont les caractéristiques définies par lui se retrouvent trait pour trait dans la NDE :

- elle est révélatrice et fondatrice de l'être sacré (connaissance du Tout-Autre, accès aux valeurs générales) : les expérienceurs prennent en effet contact avec une transcendance qui leur dicte, en quelque sorte, les valeurs essentielles. Abraham Maslow dirait « méta-valeurs » ;

- elle constitue à la fois une crise totale et sa solution exemplaire : l'épreuve de la NDE consiste bien fondamentalement à se confronter à sa propre mort et à renoncer à la vie. C'est une crise totale pour un être humain conscient de son inévitable finitude. Mais, paradoxalement, c'est à l'intérieur même de cette confrontation que se dissout, personnellement et, semble-t-il, définitivement, la peur de la mort et l'attachement à la vie conditionnée par la matière ;

- elle est intégratrice (il y a assomption de l'expérience par l'homme dans son être total) : les expérienceurs en témoignent, tout leur être est bouleversé, physiquement, mentalement, affectivement, spirituellement ;

- elle est coexistante à la condition humaine (prise de conscience par l'homme de sa condition dans le cosmos) : trouver le sens de sa vie, selon les dires contemporains, c'est trouver sa place dans le monde, qui prend lui-même son sens, car l'un et l'autre sont interdépendants ;

- elle projette dans l'atemporel et dans l'aspatial : l'absence de conscience de temps est constamment soulignée par les témoins ; l'absence d'espace correspondrait à un accès instantané à tout lieu par l'unique force de la pensée.

La NDE, en tant que phénomène spontané révélant cette structure, montre combien le sacré est consubstantiel à notre psyché. Mentalement évacué de nos sociétés, le sacré s'y manifeste donc de façon sauvage, notamment dans la NDE. Le primitif vivait dans un contexte qui le préparait, lui fournissait un cadre de référence, donnant sens à son vécu et lui permettant sa saine intégration. N'était pas postulant chaman qui le voulait et ne devenait chaman socialement reconnu que celui dont l'initiation était réussie. Il fallait être solide : côtoyer la folie, traverser le miroir, se reconstruire, plus intégré.

Les expérienceurs se retrouvent dans un vécu initiatique sans y avoir été préparés, sans avoir de mythe explicatif cohérent pour l'accepter et l'intégrer. Le mythe scientifique domine, mythe profane, qui ne peut, dans sa forme actuelle, qu'exclure ces expériences du réel. L'entourage du témoin, désorienté par les changements du rescapé et ne disposant pas de clefs pour comprendre, tend aussi à les rejeter dans le rêve ou l'hallucination.

Tout porte, par conséquent, à rendre pathologique un vécu qu'il faudrait pouvoir travailler dans son espace propre, celui de la transcendance.

Cela nous renvoie à l'interrogation sur l'apparition multiple des NDE dans nos sociétés : l'amélioration des techniques de réanimation en est-elle la seule raison ? Elle en est, certes, individuellement, une condition d'advenue. Mais ne pourrait-on pas poser aussi la question d'un point de vue global ou systémique : quelle est donc la nécessité pour nos sociétés de faire resurgir un tel modèle ? Le sacré est-il le régulateur indispensable des systèmes sociaux ? Est-il le seul lien valide, parce que transcendant, propre à fonder l'indispensable solidarité humaine ?

La mort est évacuée de nos préoccupations par une société qui veut la nier. Non dite, non pensée, non éprouvée (consciemment), la mort nous hante comme un Fantôme. Ce concept psychanalytique de Fantôme désigne, par analogie, le rôle caché du non-symbolisé dans les conduites névrotiques. N'observe-t-on pas effectivement, aujourd'hui, toute une série de comportements dont l'exacerbation devient quasi pathologique : recherche du pouvoir, accumulation de biens, course avec le temps, peur du vide intérieur (fuite de la solitude, ou absorption dans « le petit écran »), vénération pour une inaltérable jeunesse, etc. ? Tous ces comportements peuvent finalement se comprendre comme un défi inconscient et vain, face à la perte ultime de ce que l'on croit être soi. Mircea Eliade analysait déjà la vogue de l'historicisme comme l'équivalent social du « panorama de la vie » d'un Occident pressentant sa fin prochaine.

Or, que vient faire la NDE au milieu de cette frénésie ? Providentiellement, recommander des comportements opposés, et proposer des « vérités oubliées » : il ne faut pas avoir peur de la mort, puisque c'est une renaissance ; nous quittons la vie sans bagages matériels ; seul comptera, à l'heure ultime, ce que nous aurons été.

Qu'elle soit l'expression d'un besoin, ou annonciatrice d'une vérité oubliée, la NDE joue socialement le rôle de l'Ange. Dans le premier cas, elle est bien le complément du Fantôme psychanalytique, qu'elle dissout. Dans le second, figure religieuse de l'Ange, elle annonce, relance et requalifie un discours qui avait perdu son crédit.
 
 

Les indices d'un chemin de transformation

Si l'on est convaincu que la NDE manifeste une dimension essentielle de l'être humain, qui a besoin de s'exprimer, et dont les effets sont bénéfiques, il est urgent de réancrer l'homme moderne dans la dimension du sacré. La NDE est un modèle utile, comme révélateur et comme guide. Elle nous montre que tout un chacun peut s'initier, pourvu qu'un mythe sous-tende cette démarche et qu'existent des initiateurs compétents pour l'accompagner. Ces initiateurs pourraient être des psychothérapeutes, ou des anthropologues ayant expérimenté des initiations traditionnelles ou ayant vécu des auto-initiations bien intégrées. Il faudrait qu'ils disposent également d'outils d'analyse adéquats et d'une personnalité suffisamment « trempée ». Ces chercheurs « du troisième type » s'inscriraient dans le courant des « anthropologues visionnaires », tels que Carlos Castaneda, Michael Harner, Joan Halifax 21.

Il sera nécessaire qu'un mythe, au sens de discours sur le réel profond, se construise à partir de ces différents pôles. Les NDE peuvent en constituer les premiers jalons ; qu'on les prenne comme un aperçu sur les premiers états de conscience du moment de la mort, ou comme le prototype d'une expérience d'initiation.

Toute recherche en ce sens devra conjuguer recherche sur soi en profondeur, inspiration et contrôle continuel. Cela signifie à la fois échange rigoureux entre les chercheurs engagés sur la même voie, ressourcement dans le vaste réservoir de la connaissance traditionnelle, et prise en compte des découvertes les plus avancées de la science contemporaine, qu'elle soit psychologique, physique, biologique, ou autre 22.

Quelles pourraient être les prémices d'une telle recherche ? Nécessité fait sans doute loi, puisque, concomitamment, une expérience personnelle et une conférence à préparer pour les Etats-Unis ont soudain convergé vers une même piste.
 
 

Synchronicité d'une expérience personnelle

Le début du mois de juillet 1990 fut marqué par l'expérimentation d'une thérapie initiatique. Docteur en psychologie, la thérapeute avait élaboré sa méthode sous inspiration, alors qu'elle travaillait comme une forcenée à accompagner des personnes en fin de vie.

Le rituel est très simple et restreint, comme dans un rêve éveillé, mais très peu dirigé. On imagine un jardin, un bassin régénérant, des entités accompagnatrices, l'entrée dans un temple ; à l'intérieur de celui-ci, une chambre de lumière, un rayon de lumière et c'est le départ - pourvu qu'on ait le rayon et l'approbation des entités. Les entités sont juste une convention, sur laquelle rien n'a été dit au départ, hormis cette règle d'accord préalable. Le reste est affaire de développement personnel. Tout conflit intrapsychique non résolu empêche d'atteindre des états modifiés de conscience plus poussés et nécessite donc une résolution préliminaire. Celle-ci ne se fait pas sans grande douleur, psychique et physique. On peut penser à ce propos aux épisodes infernaux des NDE : ne symboliseraient-ils pas des entraves psychiques ?

Il est difficile d'évaluer la part de « l'effet-thérapeute » dans l'advenue de l'expérience, mais il est possible de refaire, seul, le voyage : comme si la pompe était amorcée. On peut observer des modifications vibratoires du corps et des processus physiques (pouvant faire penser à ces interventions de démembrement et de réorganisation de l'initiateur chaman) ; des zones de la psyché, inaccessibles en situation ordinaire, sont atteintes : symboliques inconnues, clefs d'orientation et synchronicités. On a l'impression de vivre une auto-initiation (en prenant l'hypothèse que les entités sont des projections de soi-même).

La première conclusion de cette expérience est qu'il est possible d'explorer un imaginaire proche de celui des NDE. Les perceptions, en effet, avaient une autonomie et une objectivité relatives : la vision d'une entité, par exemple, a été confirmée, incidemment et ultérieurement, par d'autres personnes indépendantes dans des pays différents. Il y avait donc accès à un imaginaire objectif, mais à un niveau moindre que les expérienceurs. En effet, si la perception était objective, elle n'avait pas le caractère de « réalité quasi tangible » dont parlent les témoins.

C'est sans doute à l'absence de décorporation qu'il faut imputer cette différence. Tant que la conscience, même modifiée, reste attachée au corps, elle n'appartient pas au même espace que l'objet de ses perceptions. En dehors du corps, en revanche, la réalité des visions est du même ordre que celle de l'état de conscience. Cela leur donne statut de réalité. Cette réalité de « l'esprit » étant beaucoup moins limitée que la réalité « physique », sa valeur ontologique est beaucoup plus grande.
 
 

L'image est le langage de l'âme

L'imaginal d'Henry Corbin est à même de rendre compte de cet ordre de réalité. L'imaginal n'est pas fantaisie imaginative, mais imagination active, c'est-à-dire créatrice. Cet imaginal, atteignable lorsque la conscience s'est élargie, est un monde tiers, entre notre monde sensible et le monde spirituel invisible. Il nous permet, à travers des images, d'appréhender cet invisible.

Ces images ont une réalité propre, différente de la nôtre ; elles ont des régularités, une sorte de subjectivité objective et sont situées hors de l'espace et du temps. Le monde imaginal est donc ontologiquement réel. Il possède une forme, une dimension, des habitants. C'est le produit cumulé de la pensée imaginative créatrice 23.

Les synchronicités sont fréquentes en recherche scientifique. L'exposé de cette conférence aux Etats-Unis a été l'occasion de découvrir un travail de Kenneth Ring non publié en français 24 . Kenneth Ring, l'un des chercheurs leaders de IANDS-Etats-Unis, utilise, lui aussi, le concept d'imaginal pour les NDE.

Kenneth Ring rappelle donc que l'imagination est un pouvoir de création, un organe de perception. En dernière instance, elle serait une faculté purement spirituelle, indépendante du corps et capable de subsister après sa disparition. On n'accède ni par les perceptions sensorielles, ni par la connaissance ordinaire, mais par une forte déstabilisation de l'état ordinaire de conscience, comme dans une NDE. Celle-ci ne serait qu'une première étape et se poursuivrait par un voyage dans l'imaginal. Tout ce qui était subjectif deviendrait objectif Nous assisterions donc alors à une représentation de ce que nous avons été, dans la profondeur de notre psyché. L'image étant le langage de l'âme, construire son âme, c' est cultiver son imagination. A nous donc d'écrire, dans et par notre vie, le drame imaginal de notre après-mort 25.

Mettre au point des formules modernes de travail sur l'imagination active constitue un premier pas. Pourquoi ne pas en esquisser dès maintenant un second ? Compte tenu de certains témoignages et de certaines traditions, on peut, en effet, se demander s'il n'y aurait pas des voies « physiques » précises intimement liées à cet imaginal.
 
 

Modélisation provisoire à partir de quelques témoignages actuels

Les premiers éléments qui ont attiré mon attention sont les témoignages eux-mêmes, qui constituent la matière première de la recherche. Ces données, prises à l'état brut, fournissent des convergences précises et des variations incompréhensibles, si l'on n'effectue pas une remise en ordre. Quelques extraits choisis de témoignages montreront ce qu'il en est concrètement.

Mme V. Q. : « je me suis sentie littéralement partir comme sur un coussin d'eau, un ruisseau très étroit [...]. ce n'était pas vraiment un tunnel noir [...], une impression d'obscurité très profonde mais en même temps de lumière [...], puis je me suis sentie aspirée, alors là, à une de ces vitesses ! [...] Je me laissais vraiment partir. [...] Et à la fin, il y a eu cette lumière qui m'attirait, cette sensation d'amour... »

Mme E. : « j'ai soudain senti que j'étais projetée avec une certaine force hors de mon corps, à la hauteur du plafond, comme si le plafond m'arrêtait provisoirement [...], et là, j'ai vu tout ce qui se passait en bas je me suis encore sentie projetée encore plus haut, dans le coin de cette pièce qui me paraissait soudain énorme [...], puis ça été le noir, je me suis sentie projetée à une vitesse vertigineuse et puis, tout à coup, je suis arrivée vers une lumière intense, merveilleuse ».

M. 0. : « je m'enfonçais dans ce gouffre et alors, à un moment donné, je volais, je planais, dans une ambiance lumineuse, puis je revenais dans mon trou noir ; cela s'est reproduit plusieurs fois jusqu'au moment de mon réveil : je suis reparti dans ce gouffre, et, au fond de moi, une lumière formidable, avec une porte interdite ». (Il n'y a pas eu, pour ce témoin, d'observations du monde extérieur.)

Mme F. : « j'ai fait un voyage dans un canal de lumière, ce n'est pas un tunnel, vous êtes canalisé dans cette lumière, orangée, douée [...], on voyage à toute vitesse, on n'est plus prisonnier du corps [...], après la lumière, au moment de redescendre sur terre, j'ai commencé à flotter, je ne sais pas où je me trouvais, je voyais des gens, je ne sais pas ce qui s'est passé, je suis passée dans mon canal de lumière, je leur disais mon groupe sanguin, ils ne m'entendaient pas, ils ne trouvaient pas ».

Mme G. : « cette espèce de tourbillon effrayant, pas douloureux mais effrayant, dans la mesure où c'est bruyant agité, une impression d'être aspiré dans quelque chose d'inconnu, noir ».

Mme L. : « le retour a été plus lent : éloignement de cette lumière, en allant à reculons, du bleu très clair, lumineux, vers le bleu foncé presque noir ; le passage était de plus en plus étroit comme un entonnoir à l'envers ».

Mme M. : « j'ai dû perdre conscience, je ne voyais plus les gens, je me sentais devenir extrêmement légère, je m'élevais dans un tunnel infini qui était au centre d'une extrême blancheur [...], je n'étais que sérénité, bien-être, douceur [...] et je suis revenue ».

Mme H. (mort imminente par noyade) : « J'essayais de ne plus lutter, d'accepter que j'allais mourir, et quand j'ai réussi, j'ai vu comme un tunnel noir, immense, au bout duquel j'ai vu une lumière très particulière, très intense [...], impression que j'arrivais dans un endroit de paix, de calme, et c'était comme si j'étais sortie de la mer et, en l'air, je voyais en bas des hommes qui faisaient une chaîne... »

Mme R. : « j'ai soudain été prise dans un tourbillon, aspirée dans un mouvement plein d'énergie, ascendant, et attirée par une grande lumière tout au bout, extraordinaire ».

Mme D. « mes souvenirs commencent alors que mon " je " était à la hauteur du plafond de la salle d'opération [...], après cette visite à mon mari et à mon beau-frère dans la salle d'attente, j'ai fait l'expérience des ténèbres [...], j'ai vu une lumière au loin et j'ai évolué à toute vitesse, à travers les ténèbres, vers cette lumière qui grossissait à vue d'oeil, et je suis rentrée dans cette lumière qui était aussi l'absolu de l'amour ».

Mme V. : « je descendais dans une espèce de petite cellule intérieure qui était la seule cellule vraie de ma personne, la cellule d'où tout partait et où tout finirait [...], si ma pensée s'accélérait, ou bien si j'allais de plus en plus vers l'intériorisation de cette cellule, je descendais plus profondément dans une espèce d'unité, et cette unité était propulsée sur un énorme ensemble de milliards de petites cellules comme la mienne, qui allaient à une allure folle [...], je me suis dit : Tiens, ça doit être comme ça, la vitesse de la lumière ; tout allait très vite, dans tous les sens, mais jamais aucune bousculade n'était possible, chacune avait son couloir dans cette espèce d'énorme ordinateur, avec, au-dessus de tout cela, l'impression d'un immense sourire : le sourire de Dieu ; plus le ralentissement se faisait, plus les parois et le son métallique se déployaient, jusqu'à devenir moi-même, je me suis dit : Mais alors c'est comme ça qu'on a tout créé ».

M. C. « je me suis vu comme une petite étincelle filant à une allure folle ».

M. A. « j'ai senti mon axe qui commençait à bouger latéralement, puis j'ai tourné sur moi-même à la vitesse grand V, avec l'impression que toutes mes chairs partaient dans tous les sens 26 ; à la place du coeur, il y avait une étincelle, elle a fait tout le tour de mon corps, qui est devenu comme un néon blanc lumineux, ovale ; l'étincelle allait de plus en plus vite, puis ce fut la lumière ».

Mme Y. : « j'ai eu une impression de chute, puis mon corps s'est mis à tourner comme une toupie, de droite à gauche, autour d'un axe longitudinal 27. J'étais à l'intérieur de mon corps, au centre, au milieu d'une sorte de colonne, passage lumineux qui traversait mon corps. Je me suis sentie happée vers le haut de ma tête, sortir dehors et m'élever [...]. Un tunnel s'est alors présenté à moi, dans lequel je me suis sentie aspirée : il était constitué d'une succession de voûtes aux parois translucides, formant une spirale infinie. Une voix se fit alors entendre et me dit : " C'est le tunnel du temps. " Au bout du tunnel, j'étais dans une lumière-brouillard blanche [s'ensuivirent des rencontres avec des entités, un bilan de vie, une errance] ; j'étais comme une étoile filante dans le cosmos [...], les planètes, les étoiles semblaient être reliées entre elles par une sorte d'énergie, elles vivaient [...], j'eus la sensation intuitive de la connaissance de toutes choses [...], je n'étais plus qu'une poussière se dissolvant dans l'espace [...] ; devant moi une lumière ronde, blanche, pleine d'amour et de paix; on me dit que c'est la lumière originelle [...]. Les planètes et les étoiles se sont transformées en une multitude de points lumineux, qui m'ont accueillie avec douceur et amour ; j'avais l'impression que c'étaient des âmes ».

Concluons ces récits modernes avec la NDE d'un Papou de Nouvelle-Guinée : un jeune Papou, tombé dans un coma profond et dont on avait déjà préparé la tombe, se réveilla et raconta son aventure. Il s'était retrouvé dans un paysage champêtre ; sur une route, il avait rencontré une femme (qui était décédée pendant son coma) et il était arrivé à un village, guidé par un homme. Là, ils avaient emprunté une échelle pour grimper dans une maison, mais une voix lui avait dit : « Ce n'est pas encore le moment pour toi de venir, reste où tu es. » Il se rendit compte que la maison était suspendue dans les airs et qu'elle tournait connue sur un axe, Pour revenir, il n'y avait plus de route comme à l'aller, Une voix dit : « Faites-le descendre. » Alors apparut un rayon de lumière, le long duquel il redescendit pour revenir à la vie 27.

En ne s'attachant qu'à l'éventuel itinéraire du principe conscient, certaines distinctions s'imposent relativement au modèle de Moody et de ses successeurs :

La structure des tunnel, canal, puits, gouffre, etc. est située soit avant les observations objectives hors corps, soit après, soit avant et après (en se plaçant du point de vue de la sortie). Il peut être sombre, lumineux ou autre (l'un et l'autre ou ni l'un ni l'autre). Certaines descriptions font penser qu'on y séjourne, d'autres qu'on s'y déplace lentement, d'autres qu'on y file à une vitesse incroyable. Toutes les lumières décrites ne sont pas assimilables : on perçoit comme une graduation depuis une lumière proche ou intérieure, qui serait en relation avec la décorporation, à une lumière beaucoup plus transcendante, lointaine, extérieure. En termes d'affects, on passe d'un bien-être-liberté-sérénité à un état extatique.

Distinguer n'est pas expliquer, mais c'est opérer un premier tri, qui permet de changer les questions et de poser de nouvelles hypothèses. Ces quelques exemples et d'autres témoignages reçus oralement m'ont inspiré une première série de réflexions :

- Existe-t-il un ou plusieurs tunnels, ou bien ces diverses descriptions ne sont-elles que des façons différentes de percevoir ? La perception d'obscurité serait-elle due au passage du mur de la lumière ? Lorsque la conscience devient elle-même lumière, pour atteindre la réalité superlumineuse, supposent Brigitte et Régis Dutheil, elle percevrait, par contraste, l'extérieur comme obscur 28. Mais pourquoi certains le verraient-ils lumineux et d'autres sombre ? Ceux qui ont évoqué un couloir de lumière ne se sont pas tous distingués par une sensibilité plus aiguë. Dans quelques cas où il est la seule phase précisément décrite, il semble plutôt qu'il s'agisse d'une expérience écourtée par la réanimation ou amputée de mémorisation.

- La phase d'obscurité, avec ou sans structure, peut-elle être confondue avec les pertes de conscience qui se produisent au cours de l'expérience et coïncident souvent avec des changements d'état ou d'espace ?

- Le tunnel a-t-il une réalité physique en lui-même (même virtuelle, en termes de notre réalité ordinaire) ou n'est-il que la transposition d'un mouvement ? Les quelques descriptions de ses parois sont uniquement visuelles. Aucun de nos témoins ne les a touchées. Ce qui revient fréquemment, en revanche, est la mention d'un déplacement en spirale, à très grande vitesse. Si le canal sensoriel privilégié de l'expérienceur est la vue, la rapidité du passage pourrait ne laisser subsister que le souvenir d'un tunnel. Pour un kinesthésique, c'est plutôt la sensation de vortex qui s'imprimerait dans la mémoire.

La tendance naturelle de l'esprit étant de synthétiser et de généraliser, le mien n'y a pas échappé et un modèle préliminaire s'est petit à petit proposé à moi. Il est le résultat d'une compilation personnelle et intuitive de toutes les données emmagasinées depuis 1988. C'est bien en tant qu'hypothèse de travail que je le propose ici.

Il n'y aurait pas une seule structure tunnel, mais au moins deux. La première serait interne, située dans notre corps physique. Il y aurait donc d'abord un mouvement de repli intérieur vers un substrat ou un support du principe conscient, infiniment petit (pouvant être perçu sous la forme d'une particule lumineuse), localisé dans ce corps physique, à un niveau subtil et/ou dans un autre espace-temps. Le principe conscient, désolidarisé partiellement du corps, pourrait suivre une voie prévue à cet effet, pour sortir du corps physique par la tête.

Cette voie serait une structure lumineuse impliquée dans le processus de décorporation, de même nature que l'entité qui se détache, et en continuité avec la dimension dans laquelle évolue l'entité, à la sortie du corps. Elle pourrait se superposer à des structures anatomiques connues, mais ne serait pas détectable par nos instruments de mesure habituels.

A ce mouvement de descente intérieure vers notre unité correspondrait l'impression de chute dans un gouffre ou dans un puits, impression qui pourrait être occultée par une perte de conscience, l'éveil ne se faisant, alors, qu'à l'arrivée dans cette voie lumineuse.

Une partie des témoins pourrait s'en tenir là. Il n'y aurait pas encore décorporation, mais présence dans un monde lumineux de transition, ayant déjà certaines caractéristiques d'une dimension plus fondamentale. Ce détachement corporel donnerait une sensation de légèreté, de liberté et de quiétude et pourrait permettre des perceptions dites extra-sensorielles.

A la sortie du corps, l'entité, plus autonomisée, pourrait se déplacer et observer, du dehors, le monde des « vivants ». La sortie du corps pourrait être perçue sous forme de projection ou d'aspiration, selon les idiosyncrasies individuelles.

Un nouvel espace de transition vers une autre dimension pourrait alors apparaître à l'entité qui, selon son choix et/ou l'état critique du corps physique, pourrait l'emprunter, y séjourner ou ne pas le franchir. L'obscurité pourrait être un effet de contraste relatif à l'état de luminosité de l'entité ou à l'éclat de ce vers quoi elle se déplace. Sa plus ou moins grande intensité pourrait être liée à des différences de vitesse de progression, modifiant les perceptions. La forme cylindrique pourrait exister en soi, mais aussi n'être qu'une illusion d'optique, redevable au mouvement et/ou à une extrême accélération.

Il semblerait que se produise une progression par paliers vers des espaces de moins en moins matériels, où la frontière entre pensée et matière devient plus floue. Chaque niveau pourrait être à la fois autonome, doté de règles particulières de fonctionnement et en état de continuité/discontinuité avec ceux qui le jouxtent. La progression se ferait donc vers des mondes où la pensée devient de plus en plus transcendante et universelle, et de moins en moins imaginable pour nous. A chaque espace correspondrait une qualité de lumière différente, jusqu'à, peut-être, cette lumière noire et ce vide évoqués par quelques expérienceurs.

La confrontation des témoignages montre différents états ou stades de lumière, qui pourraient correspondre à ces états de conscience progressifs et de « dématérialisation » des perceptions relatives à ces états. L'imaginal serait un de ces premiers stades.

Les modes de transition d'un espace à l'autre pourraient se faire selon le même principe d'accélération avec mouvement de spirale. La virtualité croissante des structures de passage pourrait les rendre de moins en moins perceptibles, et des pertes de conscience pourraient se produire à ces moments.

Bien entendu, nous nous situons ici dans un modèle postulant la « réelle » sortie du corps d'un substrat qui s'autonomise et évolue « loin » de ce corps. C'est, en effet, l'hypothèse la plus simple pour rendre compte des observations objectives et précises à distance, hors d'atteinte des sens physiques connus.

Mais cette hypothèse peut encore relever d'un réductionnisme binaire. Les notions de haut et de bas sont conditionnées par notre conscience gravitationnelle, et nous en concluons que ce qui est léger s'élève et que ce qui est lourd tombe. Il pourrait ne se produire qu'un désancrage et une délocalisation de notre conscience, permettant à notre système de perception et d'analyse de fonctionner autrement.

Il ne faut, par conséquent, nullement écarter l'hypothèse que seul l'espace interne est exploré ; ce qui ne préjuge en rien des univers pouvant s'ouvrir à notre perception dans cet infiniment petit. Subsistent toujours les questions paradoxales : où est l'intérieur, où est l'extérieur ? Comment sont emboîtés l'infiniment grand et l'infiniment petit ?

Tout se passe comme s'il y avait dans l'espace du corps, mais à un niveau plus subtil, un espace intermédiaire qui connecterait avec un troisième espace, celui de la lumière. On peut s'interroger sur la continuité ou la discontinuité de ces espaces. Il n'est pas sûr que ces concepts soient adaptés, L'image d'une bande de Moebius serait peut-être plus pertinente. Comme si nous étions sur l'envers ou l'endroit d'une même structure, le centre étant situé juste au retournement de la bande.

Il reste à rechercher, côté traditionnel et côté science contemporaine, s'il existe des éléments pouvant témoigner en faveur de ce modèle préliminaire.

Synchroniquement avec mon expérience personnelle en Allemagne, certaines données traditionnelles, explorées pour la rédaction de ma conférence aux Etats-Unis, se sont trouvées au rendez-vous.
 
 

Pistes traditionnelles : l'échelle céleste du pharaon

Le premier indice à avoir attiré mon attention est un aspect du mythe d'Er le Pamphylien. Il m'a paru curieux de ne pas le voir commenté par ceux qui s'y réfèrent pour étudier les NDE. Son interprétation n'est certes pas facile.

Cette partie du voyage se situe après que les âmes ont été jugées et qu'elles ont, soit purgé leur châtiment, soit goûté leur récompense. Nous aurions là transposition extériorisée du panorama et bilan de vie avec le phénomène d'empathie. Les âmes se rassemblent alors dans une prairie :

« Chaque groupe restait sept jours dans cette prairie ; puis, le huitième, il se mettait en route pour arriver quatre jours plus tard dans un lieu d'où l'on découvre, s'étendant depuis le haut, à travers tout le ciel et toute la terre, une lumière droite comme une colonne, fort semblable à l'arc-en-ciel, mais plus brillante et plus pure. Ils y arrivèrent après un jour de marche ; et là, au milieu de la lumière, ils virent les extrémités des attaches du ciel - car cette lumière est le lien du ciel... »
Arrivées là, les âmes sont présentées à Lachésis, fille de la Nécessité, pour le choix de leur incarnation future.

Cette série d'étapes à durée précise n'a aucune signification, si on la prend au pied de la lettre. Au contraire, une analyse symbolique des chiffres donne à l'ensemble une cohérence 29.

Les âmes restent dans la prairie sept jours. Le 7 indique le sens d'un changement après un cycle accompli et le sens d'un renouvellement positif Elles démarrent le huitième jour. Le 8 a valeur de médiation entre la terre et le ciel, il est en rapport avec le monde intermédiaire. Il leur faut ensuite quatre jours pour apercevoir, de loin, la lumière. Le 4 symbolise le terrestre, la totalité du créé, du périssable. Un jour de marche est encore nécessaire pour atteindre la lumière. Le 1 est le lieu symbolique de l'être, du centre cosmique et ontologique, de la révélation ; c'est le centre mystique d'où rayonne l'Esprit, comme un soleil. Il leur a fallu cinq jours en tout (4+1) pour arriver au centre de la lumière. Le 5 est le nombre du centre, le chiffre des hiérogamies symbole de l'homme ; il est aussi celui de l'univers représenté par le croisement des axes horizontal et vertical. Le périple aura pris, dans sa totalité, douze jours. Le 12 symbolise l'univers dans son déroulement cyclique spatio-temporel. En symbolique chrétienne, il est le nombre du monde achevé, de la Jérusalem céleste, « de l'accomplissement du créé terrestre par assomption dans l'incréé divin ». En définitive, le 12 est toujours le nombre d'un accomplissement, d'un cycle achevé.
La correspondance qualitative de ce parcours chiffré de l'âme pourrait alors signifier : avant de pouvoir aller vers l'au-delà, l'âme doit assimiler la vie qui vient d'être quittée ; un cycle est accompli, intégré, quelque chose de nouveau peut advenir (chiffre 7). Puis commence le monde intermédiaire entre le ciel et la terre (le 8). Il faudra avoir parcouru la totalité du créé pour que l'âme puisse enfin voir au loin la lumière (le 4), puis arriver au centre cosmique et ontologique, lieu de la révélation, centre mystique et rayonnement de l'Esprit (le 1), qui correspond, en effet, au centre de la lumière. Pour y accéder, il aura fallu à l'âme cinq jours en tout, c'est-à-dire passage par le centre, ce centre étant à la fois celui de l'homme et de l'univers. Au bout de son périple (le 12), l'âme fait enfin coïncider les centres : ceux de l'âme, du divin, du cosmos.

Les symboliques traditionnelles, qu'elles concernent l'initiation ou la mort, indiquent effectivement l'existence d'un tel processus et de telles structures. C'est en atteignant ce centre à la fois psychique et physique qu'on atteint le centre de toute chose, c'est-à-dire l'unité, c'est-à-dire la lumière. L'infiniment petit connecte avec l'infiniment grand, et le canal de lumière semble être réellement une structure de passage.

La lumière de Platon est au centre. Traditionnellement, la symbolique du centre est solidaire de celle du vol (équivalent de la décorporation). Ce sont la montagne, l'arbre, la liane qui permettent l'ascension céleste. Ce centre est aussi l'axe du monde ; il représente la communication entre le ciel et la terre, c'est-à-dire le lieu où se produit la transcendance de la condition d'homme, là où s'opère la rupture de niveau. Le centre est la source de toute réalité, de l'énergie de la vie ; c'est l'espace de la réalité absolue, celui du sacré. L'accès au centre équivaut à une initiation 5.

Telle est bien, nous l'avons vu, la signification du voyage de l'âme dans le mythe d'Er.

Telle est bien l'intime conviction d'un expérienceur, Mme D., sur la partie d'elle-même touchée dans sa NDE : « J'ai atteint le centre de moi-même, la fine pointe de mon âme. »

D'autres traditions illustrent cette hypothèse de façon encore plus claire.

Nous nous souvenons que, dans le Livre des morts égyptien, la nouvelle naissance du mort correspond à une identification au soleil. Mais pour y parvenir, le mort doit passer par le centre du monde, changer d'axe, c'est-à-dire passer d'un axe horizontal à un axe vertical ascensionnel 29.

Le mort s'identifie à Iakhou (Horus, qui est dans la lumière). Iakhou, qui sert au mort de moyen d'ascension, est aussi le milieu lumineux dans lequel le mort se déplace. Le mort déclare : « Je suis grimpé sur le rayon de lumière. » Au roi, il est souhaité : « Puisse le ciel avoir fortifié pour toi le rayon de lumière 19. »

Christian Jacq est, à ce niveau, d'une précision qui nous réjouit : « Le mort se sert d'un rayon solaire en quelque sorte tangible, et l'utilise comme une rampe pour gagner le ciel [...]. Il est donc certain que les théologiens envisagèrent les rayons du Soleil comme un élément concret, susceptible de servir de support au déplacement du pharaon. »

L'analyse que Fernand Schwarz 30 fait du voyage du mort nous confirme cette direction

« Dans l'Ancien Empire égyptien, c'est par le rayon solaire tombant sur la pyramide que l'âme du pharaon quittait son tombeau. Ce rayon solaire, dont la pyramide représente la forme pétrifiée, figure une véritable échelle céleste, un couloir de lumière permettant le transfert des âmes.

« Dans le Nouvel Empire, c'est le couple Thot-Horus qui se substitue à l'axe céleste. Thot et Horus sont les agents de la renaissance : Thot préside et enregistre la pesée de l'âme, puis Horus présente le défunt à Osiris, procédant de la sorte à son passage de la mort à la vie éternelle.

« Dans les temps anciens, à cet axe était associée Heka. Heka est une force vitale munie de volonté. C'est la colonne vertébrale qui structure et articule le mouvement du corps [...]. Heka est la force verticale structurante qui est en chaque chose [...]. Elle représente le siège du monde imaginal ; c'est en elle que résident les images symboliques qui donnent la puissance à tout ce qui existe. C'est donc à travers l'actualisation des fonctions symboliques que la conscience se libère définitivement des attachements du monde. »

Nous retrouvons donc en Egypte ancienne le lien entre passage dans la mort, canal de lumière et imaginal.

L'image de la colonne lumineuse associée à la colonne vertébrale et à la force vitale fait penser à la kundalini. L'éveil de cette énergie, lovée comme un serpent au bas de la colonne vertébrale, est assimilé par les hindouistes à l'éveil au monde spirituel.

S'agit-il du même axe ? D'autres symboliques traditionnelles tendent à l'indiquer, mais tant que nous ne détiendrons pas de moyens de détection plus subtils, il sera délicat de conclure.

Nous trouvons les mêmes symboles chez les Aztèques. Selon Fernand Schwarz, « dans la pierre du soleil aztèque, le point central est appelé cinquième soleil. Le cinquième soleil transfère l'action dans l'univers à travers l'unité de la conscience qui reste invariable. Le mouvement circulaire ainsi engendré, représenté comme un tourbillon, est associé à la figure du serpent qui s'enroule sur lui-même ».

Un cadran solaire aztèque figure expressément ce processus : au centre, le soleil, autour quatre petits soleils (celui du centre est donc le cinquième, même chiffre que pour atteindre la colonne de lumière, dans le mythe d'Er) ; sur le cercle périphérique, un double serpent.

Au musée de l'Homme, le dieu Quetzalcoatl est représenté sous la forme d'un serpent lové, couvert de plumes, dont la gueule ouverte laisse sortir un visage humain 31. Quetzalcoatl, dit en effet Jacques Soustelle, correspond à la notion de mort et de résurrection 32. L'association de l'image de la kundalini (le serpent) à celle du vol de l'esprit (la plume) est, en effet, significative, tout comme l'apparition (la naissance) de l'homme divinisé, du corps du serpent.

Dans le livre sacré des Indiens Maya-Kiché, le Popol-Wuh 33 , est racontée l'initiation de Hunahpu. Après une série d'épreuves, dans un cinquième lieu de supplices, Hunahpu se retrouva dans la caverne des vampires infernaux. Il y séjourna sans danger, parce que caché dans sa sarbacane. Soudain le silence se fit car un grand vampire céleste, symbole du principe divin, descendait du ciel. Eprouvant le désir de voir si le jour était là, Hunahpu sortit sa tête, que le vampire trancha.

Examinons la réelle signification de ce mythe.

Hunahpu manifeste son désir de voir le jour. Sortie vers la lumière du jour est le vrai titre du Livre des morts égyptien. Il exprime donc un désir d'initiation, de mort et de renaissance. Le principe céleste accède à sa demande, en séparant de son corps le siège symbolique de son esprit : il opère donc une décorporation, comme l'indique aussi l'agent ailé de cette séparation. Cette opération se passe dans un centre (cinquième lieu de supplices) et à l'intérieur d'un canal-rayon de soleil. La sarbacane, pour les MayaKiché, symbolise, en effet le rayon solaire.

D'ailleurs, les représentations du dieu Hunahpu le montrent souvent la tête perchée sur une pyramide. Comme en Egypte ancienne, l'atteinte du monde spirituel passe par le rayon.

Bien d'autres civilisations ont représenté par la même forme le centre de l'homme ou de son habitat, ce qui est symboliquement identique, comme voie d'accès au cosmos et à l'être suprême. Chez les Turco-Tartares, les Yakoutes, les Samoyèdes, les Tchouktches, les Koryaks, les Lapons, les Finnois, les Estoniens, les Turco-Altaïques, les Mongols, les Kalmouks, les Bouriates, les Téléoutes, c'est l'étoile polaire, très souvent considérée comme le piquet fixant la tente céleste (image de la pyramide ?), qui représente ce passage. Elle est nommée : clou du ciel, piller d'or, piller solaire, pilier du monde... Cette tente peut aussi être percée par les étoiles qui sont « des trous pour la lumière ». Les Ostyaks parlent de « tuyaux d'or pour la maison du ciel » ou des « sept tuyaux du Dieu-Ciel ». Les Altaïques croient également que le chaman passe à travers ces tuyaux pour grimper dans le cosmos. Chez les Babyloniens, le lien entre le ciel et la terre est une colonne céleste. En fait, Mircea Eliade l'a constaté, le symbolisme du centre est des plus archaïques. Pour notre part, nous notons sa fréquente structure de canal d'accès à la dimension cosmique, qu'il soit déjà conduit de lumière ou échelle céleste.

C'est par la déclaration : « Je connais la formule des transformations » que le mort égyptien marquait « son accès à la science d'ordre symbolique qui lie la destinée de l'être à celle des dieux

Serons-nous capables de retrouver par d'autres voies, mais par le même chemin, cet itinéraire de l'âme et la formule des transformations ?

Lieu physique, siège de l'imaginal, espace d'initiation, transition entre les deux mondes, ce canal de lumière est loin d'avoir livré son secret, mais, grâce à ces expériences contemporaines, un pont est jeté entre des connaissances traditionnelles et nos concepts modernes.

Pouvons-nous d'ores et déjà repérer, parmi ces derniers, quelques piliers de soutènement ? Autrement dit, disposons-nous, parmi les théories contemporaines de la matière, d'éléments qui pourraient ressembler au modèle proposé plus haut pour le passage dans une autre dimension, dont le canal-lumière est une des composantes ?

Nous l'avons vu, les descriptions des expérienceurs tendraient à indiquer que les réalités décrites par les traditions ne sont pas toutes à prendre à un niveau métaphorique. Il existe peut-être des processus à la réalité plus immédiate, c'est-à-dire dont la physique serait déjà conçue mathématiquement, vérifiée expérimentalement ou observée dans l'univers.

Nous avons effectivement trouvé des analogies surprenantes entre certains modèles actuels de la réalité et notre schéma de passage. Ces rapprochements n'ont, bien entendu, aucune valeur de preuve au stade actuel, car de nombreuses inconnues demeurent, mais ils pourraient avoir valeur heuristique.

Pour faire l'ouverture et résolument tourner nos regards vers le futur, nous vous les proposons, en guise de conclusion.
 
 

Pistes contemporaines: involution et évolution

Ce qui frappe, dans les processus décrits par les témoins, c'est la coexistence apparente d'une continuité, et de ruptures d'espace-temps.

Un concept du XVIIIè siècle, récemment remis à l'ordre du jour, pourrait effectivement rendre compte de ce paradoxe et donner matière à notre rêverie finale : c'est celui des trous noirs.

Nous ne reviendrons pas sur leur définition, puisqu'il s'agit juste d'ouvrir une perspective. Il suffit de rappeler 34 que, si la masse d'une étoile devient supérieure à 1,5 fois celle du soleil, elle va s'effondrer sous son propre poids, et son rayon se réduire à quelques centaines de kilomètres. La masse restant la même, les densités deviennent énormes : plusieurs milliers de tonnes par centimètre cube. On peut cependant imaginer que cet effondrement continue jusqu'à ce que l'espace-temps se replie sur lui-même. C'est ce qu'on appelle un trou noir, parce que, alors, tout rayonnement émis par ce trou noir en resterait prisonnier, retenu par l'attraction. On ne pourrait repérer de telles étoiles que par leur effet gravitationnel perturbateur sur les étoiles alentour.

Il faut cependant préciser que nous ne sommes pas sûrs à cent pour cent de l'existence des trous noirs.

On peut, à tout corps, associer un trou noir, dont le rayon peut être calculé par la solution de Schwarz-Schild.

En supposant que la masse soit concentrée au centre de gravité, il y aurait donc, au centre du soleil, un trou noir de quelques dizaines de kilomètres ; au centre de la terre, un trou noir de quelques dizaines de centimètres et, au centre du corps humain, un trou noir d'environ 10-12 centimètres.

Jean-Pierre Vigier et Régis Dutheil, en collaboration avec Costa de Beauregard et Linchnerowicz, dans le cadre de l'Institut Henri Poincaré, ont construit un modèle d'électron considéré comme un trou noir, dont le rayon r0 aurait 10-53 centimètres. En se fondant sur la topologie de Kruskal, qui montre qu'il n'existe pas de discontinuité entre l'intérieur et l'extérieur d'un trou noir, et sur les équations de la relativité générale, l'électron apparaît comme une sorte de pellicule sphérique de rayon r0. La vitesse est nulle sur la face externe, et infinie sur la face interne. A l'extérieur, l'espace-temps est sous-lumineux et à l'intérieur, superlumineux. Si l'électron se déplace à une vitesse inférieure à la vitesse de la lumière, tout point de la face interne décrit sur le cylindre une sorte de spirale, à une vitesse supérieure à celle de la lumière.

Ces propriétés sont transférables à tout autre trou noir.

Nous trouvons là une grande ressemblance avec le passage décrit par les témoins et nous pourrions ainsi compléter l'hypothèse de Régis Dutheil sur l'accès des témoins au monde superlumineux. On peut imaginer que la conscience photonique intermédiaire, supposée par Régis Dutheil, soit aspirée par le trou noir, associé au corps humain. Le mouvement de traversée de la paroi serait effectivement celui d'une spirale, à vitesse croissante, atteignant une vitesse infinie au moment du changement d'espace-temps. Dans le cadre de mon modèle, ce passage serait le premier et nous ferait accéder à notre unité « détachable » et à son espace de décorporation : « Au fond de moi se trouvait une lumière formidable », dit un témoin. Cet espace superlumineux ne serait donc pas celui de la conscience universelle (comme le rayon est une émanation du soleil, mais n'est aucunement le soleil), mais celui de la conscience individuelle, autonomisée par rapport au corps et connectée aux autres consciences et à la mémoire de notre univers.

Pour la suite du voyage et de sa logique générale, nous ferons appel au modèle de David Böhm sur la relation entre monde explicite et monde implicite 35 .

Rendre compte de la régularité des phénomènes nécessite le recours à un concept de réel, fondateur et ordonnateur. De grands physiciens actuels postulent donc un domaine sous-jacent, parfaitement irréductible au domaine du visible, hors espace-temps, inconnaissable par nos concepts et instruments ordinaires. David Böhm appelle ce réel le domaine implicite (ou replié). Tandis que l'implicite est hautement subtil et intangible, l'explicite (déplié) est tangible, solide, stable. L'ordre explicite est un monde de formes dérivées du monde implicite, une forme particularisée et limitée de cet ordre, plus profond, indépendant, finalement une apparence.

Une expérience faite à Londres permet de visualiser, analogiquement, la relation implicite-explicite. Cette expérience a été faite au moyen d'un appareil composé de deux cylindres concentriques, entre lesquels se trouve un liquide très visqueux (de la glycérine), afin qu'il n'y ait pas de diffusion de la substance introduite ensuite. On verse une gouttelette d'encre insoluble, et on tourne lentement l'appareil. La goutte devient un fil et n'est bientôt plus visible distinctement. Si l'on tourne dans l'autre sens, la goutte réapparaît.

En ajoutant d'autres gouttelettes, elles disparaîtront, invisiblement interpénétrées, mais se retrouveront séparées dans leur forme première, lorsque l'on tournera le cylindre à l'envers. Si l'on ajoute ces gouttelettes à un tour d'intervalIe chacune la première versée ne réapparaîtra, en sens inverse, que n tours après la énième versée. L'ordre implicite, ce sont les gouttelettes repliées dans l'ensemble, chaque partie de l'ensemble contribuant à ces gouttelettes. Elles ne se replient pas au même endroit, mais cet ordre n'apparaît pas. Il ne se révèle que lors du dépliement, quand il donne existence à des gouttelettes différentes.

La différence entre ces gouttelettes, c'est le degré d'implication, de repli (ce qui correspond au nombre de tours nécessaires à leur réapparition dans l'expérience). La nature des connexions dans cet ensemble d'interpénétrations de l'implicite, c'est le repli. Le repli n'a rien à voir avec l'espace ni le temps. Sont reliées les entités qui ont le même (ou presque) degré d'implication, mais toutes les gouttes sont à tout moment, partout, présentes ensemble, entremêlées.

Au niveau de la première implication, D. Böhm parle d'un océan d'énergie et propose de le considérer comme la matrice génératrice du manifesté, l'ordre implicite, non manifesté. Mais, selon lui, il n'y a pas de raison pour que la mer d'énergie ne provienne pas d'un océan encore plus vaste, dans une hiérarchie infinie d'ordres implicites, de niveaux de plus en plus profonds s'enveloppant successivement d'énergies grandissantes jusqu'à la source ultime.

L'un des rapports les plus proches de cet agencement des ordres du réel est celui de Mme V., cité plus haut. Quelques traits complémentaires sont tout à fait parlants 36.

Mme V. évoque nettement une aspiration vers l'intérieur, l'intériorité étant liée à une vitesse de plus en plus grande du mouvement de repli et de la pensée. Au contraire, le mouvement de redéploiement de son ultime unité vers la cellule... jusqu'à son identité charnelle marquait un ralentissement du mouvement et de la pensée. C'est dans un état d'incandescence (précédant, concomitant ou provoqué par le mouvement) que se produisait l'accélération, ainsi que l'approfondissement de son intériorité. Cette incandescence était à la fois une perception visuelle et une sensation « physique » totale (dépassant ce que l'on connaît de la douleur corporelle circonscrite localement et ne concernant pas, à proprement parler, la conscience). La brûlure, en effet, n'était pas une douleur corporelle. C'est en atteignant cet infiniment petit que s'accomplissait le retournement intérieur, qui la projetait dans l'immensité infinie de cette lumière, noire à force de densité.

Ayant expérimenté, au cours de son enfance, de nombreuses décorporations, ce témoin signale les différences avec celles vécues en NDE et distingue aussi des fluidités, de plus en plus grandes, de l'entité qui se détache.

Le retour vers la dématérialisation, ou retour à l'origine, mythe universel, serait effectivement le retour à la matrice originelle, mère de toutes les formes et manifestations du monde sensible. Les manifestations intermédiaires correspondraient à des états intermédiaires de dématérialisation où l'on se trouve entre potentiel et actuel ; ce qui expliquerait la plasticité des formes et leur statut mixte pensée/matière.

La phase de fusion avec la lumière, où les témoins s'identifient à elle, se baignent en elle, correspondrait à cette atteinte d'un état de dispersion dans l'implicite. La conscience cosmique ne serait que la constatation de cet état de non-manifestation individualisée. Y coïncideraient la nostalgie du paradis perdu, exprimée par de nombreux témoins, la constatation de l'absence d'antagonismes et la perception d'une transcendance-énergie.

On peut imaginer qu'à ce niveau de conscience une certaine reprogrammation soit possible, en fonction de cette métaperception et d'un état de virtualité. Reprogrammation qui reste, à l'évidence, très contrainte par l'existant : à ce stade subsiste pré- ou sur-détermination de la manifestation, puisque le chemin inverse se refait jusqu'à la forme incarnée de départ. Comme avec la goutte, il semble exister une superstructure guidant l'état déployé, avec, pour l'ordre humain, maintien partiel de la conscience et de la mémoire ; ce qui probablement permet des modifications au niveau de l'incarnation.

Il se produirait, en fait, plutôt un réarrangement des éléments, une nouvelle « information », produisant une nouvelle organisation. Le changement de physionomie en est une illustration rare mais étonnant : Mme V., par exemple, a changé de visage en conservant les mêmes traits. Les photographies antérieures à l'accident l'attestent.

La préexistence de ces matrices individuelles peut laisser supposer l'existence, à des niveaux plus profonds, d'énergies plus fondatrices et assimilables au divin. Les guides, ou figures divines, disposant de formes variables et semblables, correspondraient aux plans intermédiaires de dématérialisation, différemment atteints par les témoins.

Nous pourrions être, les uns et les autres, plus ou moins capables d'entrer en résonance avec cette énergie fondamentale omniprésente. Pour les expérienceurs, le contact se ferait de façon brève et directe, à l'occasion de circonstances dramatiques. Certains d'entre eux pourraient reproduire ultérieurement le contact, mais rarement et indirectement, grâce à une certaine mémoire de « la mélodie ». Certaines personnes pourraient se trouver, par des dispositions physiques et/ou psychiques, naturellement plus en résonance. Il serait intéressant, pour ces cas, de faire des études poussées. Enfin, le contact fréquent, voire continu, avec cet océan d'énergie pourrait être l'apanage des grands sages, après une longue ascèse. La résonance plus ou moins contrôlée avec cette conscience-énergie cosmique pourrait expliquer de nombreuses manifestations considérées comme extraordinaires. Elles ne le seraient plus que par référence à la loi du plus grand nombre, qui ne sait pas provoquer ni gérer ce contact.

Nous trouverons sûrement, dans les prochaines années, des clefs complémentaires. Pour le moment, nous sommes loin de pouvoir ouvrir le coffre. Impuissance probablement heureuse, car nous risquerions de voir une foule d'apprentis sorciers le transformer en boîte de Pandore.

Nos sociétés ne sont plus dotées des garde-fous ad hoc qui existaient dans les sociétés traditionnelles. Or, pour être au service de l'évolution, le processus d'involution physico-psychique, qui semble donner accès à des forces et à des connaissances infinies, doit être accompagné de maturité.

Sans elle, ses effets se pervertissent, se dégradent et avortent en une pseudo-spiritualité qui s'illusionne de grands mots et de pratiques magiques.

Au contraire, convenablement canalisé et « intelligé » 37, ce processus peut se promouvoir en véritable ascension de la conscience et se constituer en authentique initiation.

La qualité maîtresse pour rechercher dans cette vole sera donc la capacité à discerner.

La NDE dans ses répercussions positives et négatives (comme toute autre technique régressive) n'en fait que réitérer la démonstration.
 
 

1. Ce texte est celui d'une conférence donnée lors du premier colloque international sur les NDE, à Washington, en août 1990, et lors du colloque « Vivre sa mort », à Aspet, en novembre 1990. Il a été légèrement enrichi par quatre illustrations découvertes par la suite. Le type et le domaine de recherche exposés dans cet article font l'objet d'une thèse de doctorat en cours, sous la direction de Louis-Vincent Thomas : L'Expérience de mort imminente ou les Fondements retrouvés de l'expérience de conversion traditionnellement provoquée (titre provisoire). La NDE est bien une expérience de conversion, dans le sens où elle fait passer d'une croyance à la vérité présumée.

2. C'est pourquoi coexistent actuellement deux associations poursuivant ces deux buts : IANDS et Transmutation. Ces deux objets de recherche ont donné naissance à deux associations, mais ils intéressent aussi divers chercheurs avec des méthodes et implications différentes. L'approche proposée dans cet article appartient plus au mode Transmutation. Voir en annexe les présentations de l'IANDS et de Transmutation.

3. L'expression est de Gilbert Durand, in Mircea Eliade, Dialogues avec le sacré, collection « Homo Religiosus », NADP, 1988.

4. Le Message spirituel de l'Egypte ancienne de Max Guilmot, Hachette, 1970.

5. Voir toute l'oeuvre de Mircea Eliade.

6. L'Homme et l'Invisible de Jean Servier, Imago, 1980.

7. Se reporter, au besoin, à l'article « Invariance et multiplicité des expériences de mort imminente ».

8. (429-347 av. J.-C.) La République de Platon, Garnier-Flammarion, 1966,

9. (50-125) In Îuvres morales de Plutarque, « Sur les délais de la justice divine », Traités 37-41, traduit par Robert Kaen et Yvonne Vernière, Belles Lettres, 1974.

10. (IIIè siècle) In Les Ennéades de Plotin, t. VI, « Du bien ou de l'un » et « Ce qui est un peut être partout », traduction d'Emile Bréhier, Belles Lettres, 1936.

11. (VIè siècle) Dialogues de Grégoire le Grand, livre IV, in La Naissance du purgatoire de Jacques Le Goff, Gallimard, 1981.

12. (735) Histoire ecclésiastique de l'Angleterre, J. Le Goff, op. cil.

13. Ce témoignage nous a été communiqué par M. René Fayet, planteur de thé, ami et voisin de Num, qui était chef coutumier.

14. Le Bardo-Thödol de W.Y. Evans-Wentz, Maisonneuve, 1981, citations discontinues.

15. Dans un texte sur la technique du phowa, opérée par les lamas autorisés, pour que le mort réalise l'union avec la réalité. In Textes tibétains inédits d'Alexandra David-Neel, Pygmalion, 1977, citations discontinues.

16. « Morts, renaissances, immortalité », in Dharma, Institut Karma Ling, 1988

17. Livre des morts des anciens Egyptiens, présenté par Grégoire Kolpatkt-chy, Dervy-Livres, 1979.

18. Textes des sarcophages égyptiens du Moyen Empire, introduction de Paul Barguet, Cerf, 1967.

19. Le Voyage dans l'autre monde, selon l'Egypte ancienne de Christian Jacq, Ed. du Rocher, 1983.

20. Pouvoir et sagesse selon l'Egypte ancienne de Christian Jacq, Ed, du Rocher, 1981.

21. La Rencontre de l'homme avec la mort de Stanislav Grof et Joan Halifax (1976), Ed. du Rocher, 1982.

22. La discrimination n'est pas aisée, mais c'est peut-être à des organes du type de IANDS ou de Transmutation d'élaborer des critères, de sélectionner des thérapeutes, de concevoir des cadres... Une part de jugement restera toujours personnelle, mais cela s'éduque, et les repères existent. Ce type de recherche est déjà au programme de Transmutation.

23. Corps spirituel et Terre céleste de Henri Corbin, Buchet-Chastel, 1979.

24. « Shamanic Initiation, Imaginal Worlds and Light aliter Death » de Kenneth Ring, in What survives ? de Gary Doore, Los Angeles, J. P. Tarcher, 1990. Nous signalons aussi l'article de François Brune publié dans le Bulletin de l'IANDS n° 6.0

25, Cette approche contient en germe les mêmes implications et applications que la recherche de Transmutation.

26. Cette phase évoque le démembrement du chaman. On observe effectivement, chez les expérienceurs, à la fois au plan physique et au plan psychique, comme une déstructuration, suivie d'une restructuration à un niveau plus élaboré, plus complexe, d'une certaine manière, plus performant. Cette phase d'aspiration-vortex pourrait ne pas être perçue (comme d'autres phases de la NDE) par certains témoins et pourrait n'être ultérieurement plus nécessaire : le centre s'étant autonomisé, il y aurait accès direct.

27. « NearDeath and Out of Body Experiences in a Melanesian Society » de Dorothy Ayers Counts, in Anabiosis, 1983, 3, p. 115-36.

28. L'Homme superlumineux, Pr Régis Dutheil et Brigitte Dutheil, Sand, 1990. Voir aussi leur article dans cet ouvrage.

29. Dictionnaire des symboles de Jean Chevalier et Alain Cheerbrant, Robert Laffont-Jupiter, 1969, 1982.

30. Initiation au Livre des morts égyptien de Fernand Schwarz, Albin Michel, 1988.

31. Les Aztèques de Mireille Simonin Abbat, Le temps qui court, 1976.

32. Les Aztèques de Jacques Soustelle, «Que sais-je ?», 1988.

33. L'Esotérisme du Popol-Wuh de Raphaël Girard, Maisonneuve, 1983 ; et Pop Wuh, version de Adrian I. Chavez, Gallimard, 1990.

34. Communication personnelle de Régis Dutheil. Voir aussi L'homme superlumineux, Sand, 1990.

35. Le Paradigme holographique de Ken Wilber, Le Jour, 1984. Au fond, commente Régis Dutheil à propos de mes rapprochements, ces interprétations exprimées sous diverses formes ne se rejoignent-elles pas ? On dira, en mécanique quantique, que la fonction d'onde développée en une série de Fourrier, s'effondre au moment de la mesure, réduisant toutes ses potentialités en une série de grandeurs physiques qu'on appelle particules. Dans le modèle tachyonnique, le monde de toutes les potentialités est appelé monde superlumineux et notre monde, sous-lumineux, est celui d'une actualisation restreinte, résultat d'un affaiblissement de l'information et de transformations de Fourrier, sous forme d'hologrammes, que nous prenons pour la réalité. Collapse du psi et fabrication d'hologrammes sont des processus identiques. Enfin, l'univers implicite et l'univers explicite reposent également sur une série de Fourrier. Ce qui signifie, finalement, que collapse du psi, hologramme et monde explicite reflètent une même vision du rapport entre un réel profond, plus profond, et sa manifestation.

36. Bien entendu, Mme V., au moment de son témoignage, ignorait tout des modèles de D. Böhm et de R. Dutheil.

37. Ce très beau néologisme a été inventé par Mme V. ; recherche scientifique et créativité faisant bon ménage, nous n'hésitons pas à l'adopter.

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2.

DE LA LUMIÈRE PHYSIQUE À LA LUMIÈRE SPIRITUELLE

Lettre à Mlle Évelyne-Sarah Mercier

Hubert Larcher
docteur en médecine


« Dieu dit : Que la lumière soit, et la lumière fut. Dieu vit que la lumière était bonne... »

Genèse, 1, 3-4


 
 
Chère Mademoiselle,
 
 

Vous m'avez fait l'honneur de me demander de participer à la rédaction d'un livre composé par différents auteurs, notamment des collaborateurs de l'association IANDS-France, branche française de l'International Association for Near Death Studies, et je vous en remercie.

Malheureusement, l'essentiel de ma bibliothèque se trouve, pour quelque temps, enseveli dans des cartons de déménagement, de telle sorte que mes ressources bibliographiques sont actuellement limitées.

Toutefois, la vision d'une certaine lumière étant souvent rapportée par les rescapés de la mort comme l'un des éléments du syndrome décrit par le docteur Raymond Moody Jr, je vais m'efforcer de vous écrire quelques lignes à son propos.

En effet, le mot lumière paraît pouvoir s'appliquer à des aspects si différents de la réalité qu'il en résulte bien des ambiguïtés et des difficultés sémantiques.

Je crois donc utile de distinguer, à propos de cette lumière que disent avoir perçue les sujets revenus des confins du trépas, ce qui relève des niveaux physique, psychique et pneumatique ou spirituel.
 
 

1. La lumière extérieure physique

Laissons aux physiciens le soin de nous expliquer la nature des photons et aux biologistes celui de décrire comment l'énergie photonique du soleil est captée par les chloroplastes des végétaux pour vivifier toute la procession des êtres vivants lancés à la conquête probabiliste de l'autonomie, comme des aspirateurs de syntropie de plus en plus complexes, de mieux en mieux informés, jusqu'à l'élaboration de ce microcosme qu'est l'homme.

C'est cet homme qui s'est montré capable, par l'observation, la réflexion et l'expérience, de mesurer les vitesses de la lumière extérieure physique en les situant entre zéro et 300 000 kilomètres par seconde, depuis celles, plus lentes, des bradyons qui progressent dans différents milieux jusqu'à celle des luxons lancés dans le vide, qui atteint, comme une limite, le mur de la lumière, clôture de ce monde tel que nous le percevons et tel qu'il nous conditionne.

Mais ce que ni l'observation, ni l'expérience ne peuvent actuellement percevoir, la réflexion peut le concevoir en projetant un au-delà du mur de la lumière dans lequel d'hypothétiques tachyons atteindraient des vitesses allant de 300 000 kilomètres par seconde jusqu'à l'infini.

Il. La lumière intérieure psychique

La physique moderne reconnaît que l'observation dépend de l'observateur et de l'expérience de l'expérimentateur : c'est dire que le postulat de l'objectivité de la nature, cher aux scientifiques, se doit aujourd'hui de reconnaître objectivement le rôle du sujet qui perçoit et qui conçoit.

Lumière, couleurs et formes sont perçues non visiblement à travers le derme, comme l'ont montré les travaux de Mme Yvonne Duplessis 1, et visiblement par les canaux de l'appareil visuel.

La réflexion de la lumière par les objets qui nous environnent les révèle à nos yeux, que cette huilière prenne sa source dans le soleil, la lune, les étoiles, le feu, l'éclair, l'électricité, le phosphore ou la bioluminescence.

Ce que la lumière extérieure physique révèle à nos yeux, nos yeux le transmettent, par le cortex visuel, à notre conscience qui les perçoit.

La conscience est conscience du présent, puisque les souvenirs, elle se les rappelle, et les projets, elle se les représente.

L'étude critique de la théorie de Bergson sur le souvenir du présent et la fausse reconnaissance2 me paraît bien montrer que, si la perception définit bien le présent de la conscience, ce présent résulte de l'interaction entre les impressions et les sensations qui nous viennent du passé, et les impulsions et les actions que nous projetons vers le futur 3.

Il convient donc de nous demander : ce que la conscience perçoit hors de soi est-il bien du présent ?

Enfant, je voyais, depuis la colline de Pass-Prest, au-dessus du rempart de la ville de Saint-Paul, le compagnon forgeron Bonfante en train de battre le fer sur son enclume à quelque cinq cents mètres de moi

Le son de sa frappe me parvenait avec retard sur sa vision.

L'abbé Hecquet, ami de feu mon père, m'expliqua la différence entre les vitesses du son et de la lumière et m'apprit à calculer la distance de l'éclair en fonction du laps de temps écoulé entre son éclat et le coup de tonnerre.

Puis, la nuit, il me fit contempler la voûte sidérale, me révéla que, ce que je croyais voir dans l'espace, je le voyais aussi dans le temps et que certaines des étoiles qui scintillaient à nos yeux étaient éteintes depuis très longtemps.

On ne parlait pas encore, à cette époque, du rayonnement fossile. Les télescopes n'étaient pas encore ces grands chronoscopes lancés aujourd'hui à l'assaut des commencements.

A plus modeste échelle, lorsque je crois percevoir la présence du disque solaire, il est déjà passé de huit minutes.

Et lorsque nous nous sommes réunis l'autre jour, assis à peu de mètres les uns des autres, croyant nous voir, nous ne percevions, en réalité, que ce que nous avions été quelques fractions de seconde avant !

Cela est d'autant plus vrai qu'au temps mis par la lumière pour aller impressionner les rétines, il fallait ajouter celui que mit l'influx nerveux - neuf mètres par seconde environ - pour transmettre ces impressions aux centres oculomoteurs, au cortex occipital et aux structures coordinatrices du cerveau.

Peut-être est-ce grâce à ces chronaxies que me paraissent bien synchronisées l'expression de votre visage et les paroles que vous m'adressez lorsque nous conversons.

En effet si le son me parvient plus lentement que l'image, en revanche la distance entre l'oeil et le cortex visuel est plus grande que celle qui sépare l'oreille du cortex auditif ; ce qui tend à faire mieux coïncider les instants de perception de la lumière et du son.

Ainsi, force nous est d'admettre que ce que nous percevons n'est pas le présent de notre perception, mais du passé par rapport à ce présent ; et encore sous réserve que cette perception ne soit pas trop altérée par sa composante motrice tournée vers le futur.

En effet, si la réponse motrice est affectée par le souvenir d'une sensation passée perturbée, par une grave préoccupation, ou par la puissance d'une forte imagination, la perception normale se trouve dérivée comme dans la distraction, déformée comme dans la projection, ou supplantée comme dans l'hallucination, qui est une « perception sans objet à percevoir 4 ».

Si ce que la conscience perçoit hors de soi n'est pas du présent mais prend ses sources dans la communication entre l'information sensorielle qui vient du passé et l'action motrice projetée vers l'avenir, on doit se poser la question de savoir dans quelle mesure elle peut accéder à la vérité, c'est-à-dire à la conformité entre perception et réalité.

Pour tenter de répondre à cette question, il faut considérer que, si nous pouvons percevoir le présent, c'est bien celui de notre conscience, et que c'est donc elle qu'il convient d'étudier.

Malheureusement, William Hamilton avait peut-être raison de penser que la conscience ne peut pas être définie 5, le fait de la conscience étant une des données fondamentales de la pensée, qu'on ne peut résoudre en éléments plus simples.

Tout au plus pouvons-nous distinguer la conscience primitive de la conscience réfléchie : ce qui connaît de ce qui est connu ou, comme le dit la Bhagavad-Gitâ, le « champ » du « connaissant du champ », et, dans ce « champ », percevoir la conscience d'autrui par complémentarité, communication ou participation.

J'avais été invité par le Centre védantique Ramakrishna de Gretz à participer, le 8 juin 1969, à un colloque sur « L'Avenir de l'homme », où je devais traiter le sujet suivant : « Conscience du présent et de l'éternité 6. » Et je me demandais comment définir la conscience, lorsque, le 18 mai mourut ma mère.

Assistant à ses derniers moments, je vis son regard vide, éclairé un instant, au prix d'un effort qui paraissait surhumain, pour tenter de me voir une dernière fois, s'éteindre définitivement ; et je compris alors que, lorsqu'on dit d'un trépassé qu'il s'est éteint, cette expression peut s'entendre au sens propre, ayant trait à l'extinction objective de l'éclat de ses yeux ternis par la mort comme à celle, subjective, de sa perception de la lumière ; et au sens figuré d'extinction de sa conscience.

Cette observation et cette expérience profondément vécues m'ont conduit vers une définition de la conscience qui n'était ni abstraite, ni théorique, ni même rationnelle, et qui ne pouvait s'exprimer que sous une forme analogique, symbolique et ambivalente

La conscience est une lumière intérieure psychique.

De même que la lumière extérieure s'allume et s'éteint, de même celle de la conscience apparaît ou disparaît.

Elle est bien intérieure puisqu'elle se manifeste encore aux yeux de l'âme, alors que ceux du corps sont clos par les paupières ou plongés dans la nuit. Elle est bien psychique puisqu'elle éclaire encore l' « oeil du coeur » au moyen de l'ouïe, sens né avant celui de la vue et qui est le dernier à mourir.

Lorsque je m'endors, je perds conscience, et celle-ci reparaît avec mon réveil.

Lumière intérieure psychique et lumière extérieure physique symbolisent, certes, mais ce symbolisme est plus qu'une simple analogie.

En effet, il existe une relation fonctionnelle d'adaptation entre cette lumière extérieure physique, qui conditionne ma perception visuelle objective de ce monde qui m'entoure, et la lumière intérieure psychique qui me permet d'en prendre conscience.

Si l'homme obéit bien au rythme circadien, veillant le jour, dormant la nuit, il fut soumis pendant des millénaires au rythme des saisons, donnant peu en été, hibernant en hiver ou se chauffant au feu qu'il devait surveiller avec la plus extrême vigilance.

De même que la flamme prolongeait la lumière du jour et celle de l'été jusqu'au coeur de la nuit et de l'hiver, de même la surveillance du feu, dont dépendait la survie du foyer, prolongeait la vigilance des veilleurs jusqu'à l'au-delà des affres de l'obscurité et des dangers mortels de l'engourdissement.

De même qu'ils alimentaient le feu avec du bois sec pour en tirer lumière et chaleur, de même ils peuplaient leurs veilles d'images-souvenirs pour en tirer le chaleureux espoir de revoir le printemps ; aube incertaine de ce « soleil de la mémoire » qui éclaire notre conscience.

Le pas de la réflexion paraît ainsi lié aux réflexes de la survie, comme si la flamme vacillante, couvée du regard, avait engrammé son image archaïque dans le cerveau et l'âme du veilleur au point que cette image, prenant son autonomie, est devenue feu intérieur.

De même que, de la danse du feu naît le ballet des ombres, de même la lumière intérieure psychique anime les ombres portées de l'inconscient.

C'est ainsi qu'il existe des aubes et des crépuscules de la conscience, des pénombres imaginaires et des faux jours illusoires.

La relation originelle entre lumière et conscience paraît avoir inscrit sa trace dans la physiologie comparée, puisque l'électroencéphalographie met en évidence, d'une part la relation entre les ondes alpha, le cortex occipital et les perceptions visuelles, et, d'autre part, le fait que la réaction d'arrêt de ces ondes n'est pas due aux stimulations, mais aux émotions qui en résultent ; c'est-à-dire qu'aux impressions sensorielles doivent répondre des impulsions motrices, réactions expressives qui manifestent une activité psychique d'attention, d'intérêt ou d'émotion. L'animal doit « non seulement voir mais encore regarder, non seulement entendre mais encore écouter; non seulement sentir mais encore flairer 7 ».

Chez l'homme, les ondes alpha suivent les rythmes de la lumière vacillante 8, et dans l'obscurité, le seul fait de chercher à percevoir les objets déclenche la réaction d'arrêt9. C'est ainsi que, bien après le coucher du soleil et l'extinction des feux, veille la lumière de la conscience, jusqu'à ce qu'elle s'éteigne à son tour dans les bras de Morphée.

Ces impressions qui me parviennent du monde extérieur à des vitesses différentes, j'en retire les sensations actuelles, à partir desquelles je le perçois dans le présent de ma conscience.

Si l'expression d'un visage et le son de sa voix me paraissent synchrones, c'est en raison de leur proximité, puisque le mouvement du forgeron et le bruit de son marteau me paraissent décalés par la distance.

Peut-être est-ce la raison pour laquelle, tandis que mes yeux me donnent de l'espace une vision perspective de relief, ma conscience, en percevant dans son présent des objets distribués dans le temps, en retire un sentiment d'épaisseur du présent, une impression de durée, une notion d'objectivité.

Tout se passe comme si les informations discontinues de mes diverses portes d'entrée sensorielles étaient autant de témoins potentialisant leurs témoignages pour contribuer à l'établissement de la vérité.

Cependant, de même que c'est au tribunal qu'il appartient de juger de la convergence des témoignages en justice, de même, seule une structure de convergence des sens peut établir une continuité synesthésique entre leurs informations discontinues, édifier une unité de perception à partir de leur diversité de sensations ; et c'est cette structure qui est appelée sensorium, ou sens commun.

Voici ce qu'en dit Görres :

« Chaque sens, en effet ,a deux parties, et comme deux éléments bien distincts : l'un extérieur, qui saisit les objets du dehors, et l'autre intérieur, correspondant au premier, mais dans un rapport plus direct avec l'âme à laquelle il rapporte les impressions venues du dehors. Or c'est cet élément interne qui, purifié et transformé, pour ainsi dire, par la mystique, acquiert souvent une telle énergie qu'il semble avoir absorbé l'élément extérieur, et suffire à lui seul pour toutes les opérations des sens. »
[...]
« Ils acquièrent une concentration plus grande, et peuvent par conséquent saisir davantage le centre et le fond des choses. Pénétrant au-delà de la surface extérieure, ils vont chercher la réalité qu'elle cache ; et, saisissant ainsi les objets d'une manière plus précise et plus large, non plus du dehors au dedans, mais du dedans au dehors, ils en procurent à l'âme une connaissance plus sûre et plus profonde 10. »

Le sens commun, qui assure la synthèse des sens particuliers, « rangés en cercle autour de lui », subit, « sous l'influence de la vie mystique, la même transformation que les sens particuliers dont il est le centre ». «Il exerce un empire absolu sur tous les autres 11. »

Cette manière de décrire le sens commun, qui rappelle le polygone de Grasset, se trouve corroborée par les observations de la science métapsychique telle qu'elle fut fondée par le professeur Charles Richet, Prix Nobel de physiologie en 1913 12 . En effet, l'observation et l'expérience ont permis de mettre en évidence la lucidité sous différentes formes, dites clairvoyance, télépathie, prémonitions, qui se manifestent souvent sous forme de visualisations et, plus rarement, de visions.

Ces dernières se distinguent des hallucinations puisqu'elles ont un objet à percevoir, et des perceptions visuelles normales du fait que l'objet perçu est situé hors du champ spatio-temporel de la vision oculaire ; c'est-à-dire à distance et dans des temps passés ou futurs.

Tout se passe comme si la conscience lucide pouvait comprendre dans son champ perceptif une épaisseur de présent intégrant le passé, le futur et l'ailleurs, pour les concentrer dans l'instant, la simultanéité et l'immédiation.

L'instant contient, en puissance, non seulement les engrammes de la mémoire individuelle, de celle de l'espèce, des espèces précédentes et même de ce cosmos dont elles sont issues, mais encore les programmes qui les conduisent vers leurs fins ; c'est-à-dire l'ensemble « enroulé » de ce que l'Histoire « déroule » en actes.

Descartes disait que, si l'homme peut acquérir quelque certitude, celle-ci résidera dans l'instantanéité de l'intuition, dans la simultanéité nécessaire de notre pensée et de notre existence (Je pense donc je suis), car c'est une propriété de l'âme de percevoir en un seul instant plus d'une seule chose.

Nous avons déjà dit comment l'instant de la perception était défini par la connexion entre l'image sensorielle et sa correspondante motrice. Nous pouvons également recevoir, en un instant privilégié, ce qui naît de la simultanéité entre une pulsion, une motion intérieure et une impression extérieure, entre une instance qui nous anime et une circonstance qui survient, entre notre pensée et un événement extérieur ; ce que Jung a qualifié de synchronicité.

Lorsque je me réveille et que j'ouvre les yeux, il y a synchronicité ; c'est-à-dire simultanéité entre ma perception de la lumière extérieure physique et celle de la lumière intérieure psychique de ma conscience, entre la perception de mon existence et celle de ma pensée : je réveille moi.

De même que l'intuition établit une relation synchrone entre l'existence et la pensée à l'intérieur du microcosme, de même l'immédiation sympathique, chère à Gabriel Marcel, qui l'opposait à la « médiation instrumentale », parait capable d'établir une relation immédiate entre l'homme et son milieu extérieur et intérieur.

C'est du moins ce que paraissent manifester les manifestations psychosomatiques paranormales et les phénomènes de psychokinèse étudiés par la science métapsychique.

En effet, Richet définit la métapsychique comme « une science qui a pour objet des phénomènes mécaniques, ou psychologiques, dus à des forces qui semblent intelligentes, ou à des puissances inconnues, latentes dans l'intelligence humaine 12 ».

Ce lien psychomécanique entre intelligence et force établit, entre le monde intérieur psychique et le monde extérieur physique, une sympathie assez efficace pour unifier l'information et sa puissance d'action en un passage à l'acte.

Instantané, synchrone et immédiat, ce passage à l'acte psychocinétique pose le problème de la relation effective entre la lumière intérieure psychique du microcosme et le macrocosme éclairé par la lumière extérieure physique.

III. La lumière spirituelle

A l'aube du 25 novembre 1990, longeant en bateau la rive du Gange bordée par les ghat, escaliers de descente vers le fleuve depuis la ville sainte de Varanasi, que les Anglais appelèrent Bénarès, je vis, assis sur un ambon, un ascète méditant, immobile comme une statue, face à l'est, attendant le lever du soleil.

A travers le rideau de ses paupières closes, il ne verrait pas le soleil lui-même, mais percevrait sa lumière tamisée par sa chair et teintée par son sang dont la rougeur irait en s'éclairant.

Sa conscience associerait ainsi l'aube du soleil macrocosmique à la transillumination de ce sang du microcosme que les poètes alchimistes d'Occident ont symboliquement qualifié de soleil liquide, comme s'il pouvait exister une secrète relation entre l'astre dit jour extérieur et la nuit obscure de notre parcelle d'océan intérieure.

Du soleil à la chlorophylle, l'énergie photonique apparaît comme le fil continu de l'énergie qui lie la discontinuité apparente des êtres vivants.

Elle sous-tend une évolution topologique qui va du végétal verticalement polarisé vers la terre, jusqu'à l'homme verticalisé vers le ciel, en passant par les horizontalités animales du poisson, du serpent, de l'oiseau.

Elle dessinerait ainsi, dans le cours de l'histoire naturelle, un collier de perles vivantes si, s'arrêtant au microcosme, elle n'était privée du dernier quart de son circuit.

L' « Arbre inversé » des mythologies n'est autre que l'arbre pulmonaire, respiratoire et phonateur :

Celui de la forêt recherche la lumière, l'autre se ramifie dans la nuit thoracique.

Si le vent du dehors agite les feuillages, le souffle du dedans remplit les alvéoles.

Le tronc de l'arbre est plein, et creuse est la trachée.

L'arbre absorbe l'anhydride carbonique et restitue l'oxygène, à l'inverse de la respiration humaine.

La chlorophylle verte et l'hémoglobine rouge ont le même noyau tétrapyrrolique, mais centré, dans la première, par un atome de magnésium, auquel se substitue, dans la seconde, un atome de fer.

Tandis que les poumons oxygènent le sang, le coeur propulse celui-ci vers le cerveau, et tous deux commandent les rythmes de son irrigation : le pouls cérébral celui du sang artériel afférent, et la pression respiratoire celui du sang veineux efférent 13.

Ces deux rythmes sont en relation avec ceux de la pensée, lorsqu'elle s'exprime par le discours, les mots-images étant aux phrases-idées dans un rapport analogue à celui des deux rythmes, cardiaque et pulmonaire.

Mais si le cerveau paraît être l'organe de la conscience et de la mémoire personnelles, et fonctionner comme un « filtre » pragmatique, comme le pensait Bergson, le sang, milieu intérieur qui circule dans tout le microcosme après avoir été « intussusceptionné » - suivant les expressions de Lamarck, puis de Marcel Jousse - à partir du milieu macrocosmique, paraît, lui, chargé de la mémoire des deux mondes, et circuler dans le cerveau comme le film dans la caméra de projection, qui n'en met en lumière révélatrice que les séquences utiles.

C'est du moins ce que laisse entendre le grand poète alchimiste lituanien, de langue française, Oscar V. de Lubicz Milosz lorsqu'il écrit :

« Interroge, mon cher enfant, ce sang qui, dès la consistance et la couleur, t'apparaît d'une si céleste substance. »

« Ton coeur est un soleil anatomique, propulseur de ton microcosme sanguin. Et si le cerveau est [...] lune hermétique, ce n'est pas seulement par analogie de couleur. »

« Le cerveau n'est que le satellite du coeur. Il ne fait que recevoir, filtrer et restituer la lumière d'affirmation que lui envoie le coeur dans sa spirituelle radiation. »

« Lune et cerveau sont récepteurs et ordonnateurs de lumière. Ils humanisent le surhumain, rendent accessible, à nos yeux fragiles, le dieu aveuglant 14. »

Selon Milosz, il y a un rapport direct entre le sang et la conscience.

Le sang serait le « Magnum compositum dont la vertu active s'agite encore au milieu des terreurs de la spirituelle éclipse », et qui serait le lieu de la conscience totale.

Et comme cette conscience a pour fondement la mémoire, il écrit encore :

« Quand l'esprit de la terre me dicte : subconscient, moi, dans le lieu seul situé, j'écris : Soleil de la Mémoire. »

« Terre de la béatitude, où l'accomplissement du mouvement mental est la correspondance de l'immobilité de la matière infinie 14. »

Cette correspondance entre matière et mémoire fait de cette dernière la fonction de fixation, dans l'instant de la conscience, de ce que le mouvement de la matière inscrivit dans l'espace et dans le temps.

Ainsi, toujours suivant Milosz, le sang apparaît-il, du point de vue de la matière, comme une substance dont le mouvement physiologique s'inscrit au sein de l'espace et du temps, et en même temps, du point de vue de la mémoire, comme le « lieu seul situé » dans l'instant créateur ; le lieu absolu, le point de Pascal, le foyer de l'information totale.

Les sensations venues du passé et les puissances d'action extériorisées vers l'avenir, qui nous informent sur le milieu extérieur, intégrées par la conscience, unifiées par un sens commun purifié, co-naîtraient, dans l'instant d'une exaltation de la lumière intérieure psychique, jusqu'au niveau pneumatique, ou spirituel, de ce que les mystiques appellent l'illumination. Cette illumination n'est-elle qu'un mot pour tenter d'exprimer le vécu d'une lucidité supérieure, considérée comme indicible, ineffable ?

Ou bien correspond-elle à des réalités physiques, psychiques ou spirituelles ?

Du point de vue physique, rappelons qu'en 1927, quelques mois après la partition de la théorie de Louis de Broglie et Schrödinger, Marcel Courtines écrivait :

« N'est-il pas amusant de retrouver, sous forme scientifique, le vieux problème du " nombre des principes " [...]. Le plus ancien de tous est aussi le plus proche de nous ; la trinité de Brahm, n'est-ce point la Lumière, le Proton et l'Electron ? Le Père, le Fils et l'Esprit ont maintenant des noms scientifiques. Trois principes en un seul, ou bien encore une infinité : les diverses lumières de toutes fréquences. Tout serait lumière. »

« Le " principe unique " fait disparaître toute différence de qualité ; la seule grandeur qui subsiste n'a plus aucune autre signification que celle d'un nombre. Elle ne peut être " décrite " que par le " nombre " et non plus par le " mot " : elle est ineffable. Au début, disent les écritures, était le Verbe. Le Verbe, pour le physicien, s'est fait Nombre 15. »

En 1932, l'ingénieur Ch. Andry-Bourgeois observait que la vitesse de la pensée dépasse de bien loin celle de la lumière dans le vide et que sa quasi -instantanéité pose le problème d'une « énergie supérieure intelligente ». Celle-ci rappelle les « forces qui semblent intelligentes » de la définition de la métapsychique par Charles Richet. En conclusion, il pose la question : « Le royaume des Cieux n'est-il pas le royaume de Dieu 16 ? »

En 1990, le professeur Régis Dutheil et sa fille Brigitte ont proposé un modèle de conscience qui lie celle-ci à la substantialité de l'au-delà du mur de la lumière 17. Mieux encore, la formalisation des vitesses superlumineuses se montre compatible avec tous les phénomènes étudiés par la science métapsychique 18. Il est donc permis d'espérer que cette dernière permettra peut-être, un jour, de proposer des éléments de vérification à l'hypothèse des tachyons.

Du point de vue psychique, on sait que le syndrome de Moody comprend souvent, après la « traversée d'un tunnel », la vision d'une lumière qui, pour le sujet, ne fait qu'un avec l'impression prégnante d'un amour infini.

Tout se passe alors comme si la visualisation et le sentiment ne faisaient plus qu'un, comme si la distinction entre l'objectif et le subjectif se trouvait dépassée, comme si la lumière et l'amour ne formaient plus qu'un Tout.

Qui ne voit la convergence entre cette expérience vécue aux frontières du trépas et le modèle moniste de conscience substantielle ?

A propos de l'image de notre corps, je me souviens d'avoir lu que l'excitation d'un point précis dans la région interpédonculaire du cerveau pouvait provoquer, d'une part, une visualisation de couleurs et, d'autre part, une impression de sortie hors du corps 19.

Si ce point pouvait bien être vérifié, il serait, me semble-t-il, du plus haut intérêt pour la compréhension physiologique de deux éléments du syndrome de Moody.

C'est dans cette région, terminus de la substance réticulée, que se trouveraient des cellules prenant la teinture de Gomori, comme celles de la pars intercerebralis de certains insectes sujets à métamorphose, qui sécrètent leur hormone de mue, l'ecdysone 20.

Resterait alors à se demander si la vision de la lumière d'amour peut ou non préfigurer, au seuil du trépas, le projet ou programme d'une métamorphose par identification à cette lumière, infiniment improbable, certes, mais non impossible pour une toute-puissance infinie, c'est-à-dire divine, telle que la reconnaissent les religions monothéistes.

Les phénomènes de bioluminescence humaine décrits dans les hagiographies, tel celui de saint Joseph de Cupertino, seraient des passages à l'acte partiels et temporaires de cette puissance du « soleil liquide ».

Cette restitution de la lumière reçue du soleil et intussusceptionnée, sous la forme transfigurée d'une lumière vivante et consciente, bouclerait le dernier quart du cycle de l'évolution ; non pas par retour au soleil macrocosmique, mais par glorification du microcosme.

La glorification, ou manifestation sensible de la gloire, archaïquement liée à l'éclat de la foudre, fut ensuite, le plus souvent, comparée à une lumière solaire, comme dans le récit de la Transfiguration de Jésus devant Pierre, Jacques et Jean : « Son visage resplendit comme le soleil et ses vêtements devinrent éblouissants comme la lumière 21 » et... « voici qu'une nuée lumineuse les prit sous son ombre 22 ».

Par la plume de Clemens Brentano, la grande visionnaire Anne-Catherine Emmerick, en extase agonique, décrit ainsi l'Ascension de Jésus :

« Il parut resplendissant de blancheur comme la lumière du soleil, et, du ciel, descendit sur lui une vaste auréole où brillaient toutes les couleurs de l'arc-en-ciel [...]. Le Seigneur brillait d'un éclat plus grand encore que l'auréole qui l'enveloppait. [...] Je vis sa forme visible, en s'élevant, s'évanouir à partir de la tête, dans cette splendeur céleste. On eût dit un soleil entrant dans un autre soleil 23. »
Cette vision de l'Ascension, que Marthe Larcher peignit sur un des murs de la chapelle Notre-Dame-de-la-Gardette, à Saint-Paul, pourrait bien avoir été inspirée par le récit évangélique de la Transfiguration.

Dans l'iconographie chrétienne, gloires, mandorles, auréoles expriment l'irradiation de la lumière, comme la forme rayonnante des ostensoirs apparue après le concile de Trente (1545-1563).

De nos jours, l'archétype solaire se retrouve sous des formes plus singulières : lorsque le peintre Enzo Cini me demanda un texte concernant les peintures oecuméniques dont il avait couvert les murs de la chapelle toscane de San Felice, je vis que sur le chevet, derrière l'autel, il avait figuré l'ombre d'une croix dont les bras, semble-t-il, embrassent l'infini, tandis que son sommet joint un soleil et son double.

Double mystérieux qu'Enzo Cini figura, sans qu'il sache comment ni pourquoi ; mais il approuva pleinement le sens que je crus pouvoir lui donner en écrivant : « Le concevable n'est qu'à peine imaginable. Il semble que la " machine à faire des dieux " conduise l'information depuis le monde des bradyons et des luxons du soleil physique vers celui des tachyons, dans l'au-delà du mur de la lumière où brillera, dans l'aveuglante clarté du Soleil de la Mémoire, cet oecuménisme transcendant qui n'est pas fait de syncrétisme, mais de convergence vers la communion en Dieu 24

Les archétypes du jour, de la foudre, du soleil et de la lumière se retrouvent dans toute la cosmo-anthropologie religieuse, qu'il s'agisse de « jour de gloire » ou d'apothéoses, d'apparitions ou de théophanies, de révélations naturelles ou de révélations divines.

« Dieu est-il la Claire Lumière des enseignements tibétains ? » se demande M. François Chenique en notant que « le mot Dieu dérive de la racine indo-européenne Dei qui signifie " lumière brillante " [...] ; cette racine a donné des mots comme Zeus, Deus, Jupiter, qui indiquent la divinité, et également les mots dies, jour, diurne, qui indiquent tous la lumière 25 ».

Jupiter est le dieu du Ciel, de la lumière diurne, de la foudre et du tonnerre.

Dans l'Ancien Testament, Dieu est créateur et maître de la lumière qui le revêt « comme d'un manteau 26 » , mais cette lumière créée n'est qu'« un reflet de la lumière éternelle » qui la surpasse 27. On voit donc se dessiner le concept de deux lumières, l'une divine, infinie, créatrice, et l'autre créée par la première.

Dans le Nouveau Testament, le Verbe divin, par qui tout a été fait, est la véritable lumière qui « illumine tout homme venant en ce monde » 28. Incarné, sa transfiguration anticipe la lumière eschatologique de la gloire finale à laquelle sont appelés à participer tous les hommes, qui ne sont pas la lumière, mais seulement « Fils de la lumière ».

Le symbolisme des deux lumières, celle de notre monde et celle de l'au-delà du mur qui la limite, se retrouve dans le Symbole des apôtres. Si celui-ci affirme la consubstantialité du Verbe créateur avec Dieu, « engendré, non pas créé, de même nature que le Père, et par lui tout a été fait », il précise qu'il est « lumière née de la lumière, vrai Dieu né du vrai Dieu ».

Ce thème se retrouve dans un hymne composé par saint Ambroise (330-397) :

« Splendeur de la gloire du Père
Portant lumière de lumière,
Lumière, source de lumière!
Jour qui illuminé le jour !

« Soleil véritable, rayonne.
Brillant d'un éclat éternel
Et de l'ardeur du Saint-Esprit,
Ô Soleil, pénètre nos sens.

« L'aurore apporte la lumière.
Vienne vers nous en sa splendeur
Le Fils tout entier dans le Père
Le Père tout entier dans le Verbe ! »

Le trépas apparaît comme nécessaire pour passer d'une lumière à l'autre.

Dans la liturgie catholique, le mémento des défunts demande à Dieu : « Reçois-les dans la lumière auprès de toi. »

Et l'image des deux soleils distingués par la mort est exprimée par l'inscription gravée sur le cadran solaire du mémorial de Dormans, au bord de la Marne :

« Viventibus lumen solis
Dormientibus lumen Dei. »

« Aux vivants la lumière du soleil, aux dormants la lumière de Dieu. »

Nous pouvons maintenant mieux mesurer toutes les difficultés sémantiques attachées au mot lumière annoncées au début de cette lettre : mot appliqué à trois aspects très différents de la réalité tels que perçus par la conscience, à moins qu'il ne s'agisse de trois réalités différentes exprimées dans des sens analogiques, métaphoriques ou poétiques.

Mais l'emploi d'un même mot pour désigner ces aspects de la réalité, ou ces réalités, montre une prédominance de la vision sur tous les autres sens, comme si ce dernier-né, le plus proche de l'instantanéité, donc de la vérité par perception du présent, grâce à la vitesse de la lumière, annonçait le triomphe du sensorium, ou sens commun, qui est le siège de la lucidité.

« Tu désires voir, écoute : l'audition est un degré vers la vision », écrivait Bernard de Clairvaux ; et encore : « la vision béatifique doit être la récompense d'une ouïe attentive, dont le mérite nous vaudra la vision ».
Cette vision béatifique est souvent qualifiée de « vision océanique » par les mystiques d'Orient comme d'Occident, comme par allusion implicite au lien entre l'eau, le sang et l'esprit, dont Jésus parlait à Nicodème.

L'emploi de ce même mot ne ferait-il que traduire notre aspiration profonde, mais subjective, à tendre vers l'unité, ou bien cette aspiration elle-même résulte-t-elle d'une intuition fondamentale et universelle, en relation avec la réalité d'une unité cachée dans la diversité ? Dans ce dernier cas, le mot lumière s'appliquerait non pas à trois réalités, mais bien à trois aspects d'une même réalité.

Nous nous sommes efforcés de saisir le fil qui conduit de la lumière extérieure physique, par des mécanismes d'intussusception, de complexification et d'autonomisation syntropiques qui demeurent mystérieux, jusqu'à ce stade que Pierre Teilhard de Chardin a appelé le « pas de la réflexion », duquel émerge la lumière intérieure psychique.

Puis, nous avons évoqué deux directions de recherche scientifique

- En mathématique physique, la théorie des vitesses superlumineuses, qui permet de proposer un monisme physico-psychique au-delà du mur de la lumière par substantialisation de la conscience ou conscientisation de la substance ;

- En physiopsychologie métapsychique, avec la notion moniste de « forces qui semblent intelligentes », mais qui se manifestent, en ce bas monde, d'en deçà du mur de la lumière, en étudiant, avec la psychokinèse, des phénomènes non seulement psychosomatiques, mais, effectivement,psychosomatophysiques.

Non seulement ces deux directions sont compatibles, mais, encore, elles paraissent prometteuses de complémentarité et de convergence, la seconde offrant à la première un champ d'observation et d'expérience cohérent sur une possible communication entre les deux mondes, à travers le mur de la lumière.

Enfin, l'inventaire bien systématisé et scientifiquement critiqué de la phénoménologie ascétique et mystique devrait laisser entrevoir la possibilité d'émergence d'une psychophysiologie de la métamorphose humaine, sous la motion de l'exaltation spirituelle, telle qu'elle a été esquissée par Görres, Jérôme Ribet, Herbert Thurston, Olivier Leroy, Albert-Frank Duquesne, Pierre Teilhard de Chardin, Aimé Michel, Jean Guitton, Gustave Martelet, Hélène Renard et Joachim Bouflet. Métanoïa effective qui, transformant le vieil homme en homme nouveau, unifie le soma et la psyké dans le pneuma, assume le corps et l'âme dans la glorieuse lumière de l'esprit 29.

Enfin, l'on peut souligner l'intérêt d'approfondir les convergences entre les révélations naturelles de la réflexion scientifique, et cette révélation religieuse, étudiée par la théologie, ou vécue dans le réalisme mystique, que saint Thomas d'Aquin compare à la communication d'une lumière que nous ne saurions percevoir comme nous percevons la lumière ordinaire.

Au Bereshit de l'Ancien Testament répond, dans le Nouveau Testament, le début de l'évangile de saint Jean : dans ces deux commencements, le Verbe divin, qui est lui-même lumière créatrice, sépare la lumière créée des ténèbres. Le Coran dit aussi que « Dieu est la lumière des cieux et de la terre C'est une lumière sur la lumière. Dieu conduit vers sa lumière celui qu'il veut 30 ».

Avant que saint Jean de la Croix (1542-1591) ait traversé la « nuit obscure » pour aller vers cette lumière, Ibn al'Arabi, en 1195, avait connu, à Fès, la triple science de l'« illumination du dévoilement, de la douceur et de l'expression », qui me paraît correspondre à la triade : information, communication, action 31.

Cette illumination rassemble, dans le feu de l'instantanéité, le concept, sa formalisation verbale et son expression. Le verbe est parole substantielle. Le mot est la chose, comme le nom est la personne nommée. Le Verbe est absolue vérité. L'information infinie, ou plérôme, la communication infinie, ou logos, et l'action infinie, ou Toute-puissance, ne font qu'un en raison même de leur infinitude.

L'illumination d'Ibn al'Arabi « s'accompagne d'un charisme sensible à l'instar du Prophète, qui déclarait voir derrière son dos, Ibn al'Arabi devient un " visage-sans-nuque " [...] un oeil total, capable de saisir toutes les directions de l'espace 32 ».

Ce phénomène perceptif, qui fut aussi observé en métapsychique, traduit un aspect visuel de la perception par le sensorium, ou sens commun, qui n'est plus « extérieure et perspective », mais « intérieure et conforme », suivant l'expression de Gérard Cordonnier 33.

Il nous invite à penser que le sensorium hominis est à l'image et à la ressemblance du sensorium Dei34 et que cette ressemblance doit être exaltée jusqu'à leur identification pour concevoir tant une incarnation du Verbe qu'une « verbification de la chair », de l'alpha à l'oméga de la lumière, dans ce théodrome qu'est la « machine à faire des dieux », machine à moudre le grain du microcosme pour en faire le pain vivant du microtheos 35.
 
 

Veuillez agréer, je vous prie, chère Mademoiselle, l'amicale expression de mes pensées choisies et de mes sentiments dévouées.

Hubert LARCHER
Saint-Paul, le 21 mars 1991.

1. Duplessis Yvonne et coll., Les Couleurs visibles et non visibles, Monaco, Rocher, 1984.

2. Larcher Hubert, « Parapsychochimie de la divination ». Revue métapsychique, année 1962, p. 44-61.

3. Bergson Henri, L'Energie spirituelle, Presses Universitaires de France, 1940, p. 110-152,

4. Ey Henri, Traité des hallucinations, Masson, 1973, t. I, p. 47.

5. Hamilton William, « Lectures ». Metaphysics, 1, 191.

6. Larcher Hubert, « Conscience du présent et de l'éternité ». Vedanta 18, Centre védantique Ramakrishna, Gretz, 1969, p. 33-44.

7, Delay Jean, Les Ondes cérébrales et la Psychologie, Presses Universitaires de France. 1942, p. 63-64.

8. Ibid., p. 42.

9. Ibid., p. 43.
Jasper H.H., Cruikshank R.M. et Howard H., « Action Currents from the Occipital Region of the Brain in Man, as Affected by Variables of Attention and External Stimulation », Psych. Bull., 1935, 32, p- 565.

l 0. Görres, La Mystique, Paris, Poussielgue-Rusand, 1854. t. I, livre III, ch. 8, p.320.

11. Ibid., ch. 11, p. 344.

12. Richet Charles, « La Science métapsychique », avant-dernière leçon de physiologie donnée à la faculté de médecine de Paris, le 24 juin 1925, in La Presse Médicale, n° 51 du 27 juin 1925 (Masson).
Richet Charles, Traité de métapsychique, Félix Alcan, 1922, p. 2-5.

13. Flourens Pierre, De la vie et de l'intelligence, Garnier, 1858.

14. Milosz O.V. de Lubiez, Ars Magna, A. Sauerwein, 1924.

15. Courtines Marcel, « La Lumière, principe du monde, à propos de Jean Perrin, Prix Nobel de physique 1926 », Cahiers de la Quinzaine, 18è série, 4è cahier, 1927, p. 59-61.

16. Andry-Bourgeois Ch., « Les Grands Problèmes de la physique moderne. L'Astrophysique », Revue métapsychique, 1932, n° 5, p. 357.

17. Dutheil Régis et Brigitte, L'Homme superlumineux, Sand, 1990, Ch.III et IV, p. 60-100.

18. Dutheil Régis et Brigitte, L'Homme superlumineux et les Phénomènes métapsychiques, conférence prononcée à la Société des Amis de l'Institut Métapsychique international, le 25 octobre 1990

19. Lhermitte Jean, Van Bogaerts Ludo.

20. Joly Pierre, L'Endocrinologie des insectes, Masson, 1968.

21. Matthieu, 17-2.

22. Matthieu, 17-5.

23. Visions d'Anne-Calherine Emmerick, Téqui, 1922, 5è éd., t. III, p. 408.

24. La Capella di San Felice, à paraître.

25, Chenique François, « Christianisme et bouddhisme», Dharma 10. Institut Karma-Ling, janvier-mai 1991, p. 80.

26. Psaume CIV, 3.

27. Psaume VII, 27-30.

28. Jean, 1, 3-4, 9 et 9, 5.

29. Görres, La Mystique divine, naturelle et diabolique, Poussielgue-Rusand, 1854-1861-1862.
Ribet Jérôme, La Mystique divine distinguée des contrefaçons diaboliques et des analogies humaines, Poussielgue, 1895-1902.
Thurston Herbert, Les Phénomènes physiques du mysticisme, Gallimard, 1961. (Réédition par Albin Michel en 1986.)
Leroy Olivier, La Lévitation. Les Hommes-Salamandres. Desclée de Brouwer, 1931 - Splendeur corporelle des saints.
Frank-Duquesne Albert, Cosmos et gloire, Vrin, 1947.
Michel Aimé, Mélanoïa. Phénomènes physiques du mysticisme, Albin Michel, 1986,
Guitton Jean, Philosophie de la résurrection. Monadologie. Court traité de phénoménologie mystique. Îuvres complètes. Philosophie, Desclée de Brouwer, 1978, V, VI, VII, p. 777-903.
Martelet Gustave, « La Certitude de la foi devant l'improbabilité de la résurrection », Bulletin de la Société de Thanatologie, n' 47, 1980, p. 41-44.
Martelet Gustave, « Les Grandes Intuitions chrétiennes de Teilhard de Chardin », Bulletin de la Société de Thanatologie, n'56, 1983, pp. 10-16. Extrait du livre : Teilhard de Chardin, son apport, son actualité. Colloque du Centre Sèvres, 198 1, Ed. du Centurion.
Renard Hélène, Des prodiges et des hommes, Ph. Lebaud, 1990
Bouflet Joachim, Encyclopédie des phénomènes extraordinaires dans la vie mystique. Les phénomènes lumineux du mysticisme. F.X. de Guibert (Îil), t. I, chap. 2, Paris, 1992.

30. Le Coran, Sourate XXIV, 35.

31. Addas Claude, Ibn al Arabi ou la quête du soufre rouge, Gallimard, 1989, pp. 168-169

32. Id., p. 182.

33. Cordonnier Gérard, « Voyance et mathématiques », Revue métapsychique, n° 2, juin 1966, p. 40.

34. Zafiropulo Jean et Monod Catherine, Sensorium Dei dans l'hermétisme et dans la science, Les Belles Lettres, l976.
Larcher Hubert, Anthropodynamique des phénomènes paranormaux, Rencontres Forepp 1979, Parapsychologie, n° 9, p. 3-21.

35. Bergson Henri, Les Deux Sources de la morale et de la religion, chapitre IV : « Mécanique et mystique », in Îuvres, Editions du Centenaire, PUF, 1959, p 1 245.
 
 

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