LA MORT TRANSFIGURÉE

Recherches sur les expériences vécues aux approches de la mort (NDE)

Annexe 1

INVARIANCE ET MULTIPLICITÉ DES EXPÉRIENCES DE MORT IMMINENTE

ANALYSE D'UNE POPULATION FRANÇAISE

Fiche technique de l'échantillon

Évelyne-Sarah MERCIER
anthropologue



Composition de l'échantillon

Les cas présentés dans cet article sont rétrospectifs : dans la phase actuelle de notre enquête, nous ne disposons en effet que de témoignages de personnes s'étant reconnues elles-mêmes, après coup, comme expérienceurs 1.

Aucun des témoins de notre échantillon de pré-enquête n'avait eu connaissance avant son expérience de l'existence des NDE ; d'ailleurs, seules huit expériences ont eu lieu après la parution du livre de R.A. Jr Moody en français.

Sur les témoignages proposés spontanément à l'IANDS à la suite d'articles ou de manifestations, j'ai sélectionné trente-cinq cas en fonction de trois critères :

- résidence du témoin à Paris ou en région parisienne (nous ne disposions d'enquêteurs disponibles qu'à Paris), ou témoins disposés à se déplacer à Paris ;

- expérience rentrant a priori dans le cadre de notre recherche, c'est-à-dire comprenant une décorporation avec sensation de bien-être particulier et/ou l'expérience de la lumière très facile à reconnaître, et/ou une expérience infernale ; les changements consécutifs venant plutôt comme une confirmation ;

- cette expérience advenant au cours d'un état somatique grave, médicalement constaté ou non.

J'ai finalement retenu également un état d'hypnose et de simples pertes de conscience, étant donné la teneur des expériences et du fait qu'un évanouissement peut recouvrir un état plus critique.

Cinq contacts n'ont pas abouti ; trente interviews 2 ont été faites, six d'entre elles n'ont pas pu être utilisées. Aux vingt-quatre restantes a été ajouté un témoignage qui n'avait pas, à cette époque, été recueilli avec le protocole IANDS, mais pour lequel nous avions en main le compte rendu écrit spontané très complet, et des contacts amicaux avec le témoin.

A partir de ces vingt-cinq témoins, vingt-cinq expériences ont été analysées complètement, une vingt-sixième l'a été partiellement, et trois autres ne l'ont pratiquement pas été (quatre témoins ont eu deux expériences). Ces dernières ayant été traitées de façon secondaire par les témoins eux-mêmes, nous ne disposions pas assez d'éléments les concernant.

Sur ces vingt-cinq témoins, un seul homme, soit 96 % de femmes. Parmi les trente-cinq témoins originels, se trouvaient deux autres hommes, mais les contacts pris par l'enquêteur (homme lui aussi, les hommes sont également minoritaires côté enquête) n'ont pas abouti. Que penser de cette écrasante majorité de femmes ? Kenneth Ring se pose la question à propos de son échantillon de Heading Toward Oméga 3, mais ne s'y attarde pas. Les premières études, selon lui, ont démontré l'absence de différence entre NDE d'hommes et NDE de femmes. Kenneth Ring attribue la minorité des hommes au fait qu'ils aiment moins écrire que les femmes. Je pense que nous devrions aller plus loin et voir du côté du rapport à la sensibilité et à l'irrationnel, qui est probablement plus difficile à vivre et à exprimer socialement pour un homme.

L'âge auquel l'expérience se produit varie entre 6 et 57 ans. L'ancienneté de l'expérience, par rapport à la date d'interview, se situe entre 3 et 54 ans.

L'échantillon comporte deux NDE d'enfant (6 et 9 ans) et trois NDE d'adolescent (deux fois 17 ans et 19 ans).

Un témoin a eu un début de NDE effrayante mais en a peu parlé.
 
 

Circonstances de l'expérience

Sur les vingt-six expériences, nous ne disposons que d'un compte rendu médical (le témoin, hospitalisé en hôpital militaire, avait demandé et obtenu ce document, il y a trente-neuf ans de cela). Pour le reste, c'est le témoin lui-même qui nous en a informés ; soit qu'il ait entendu un verdict au moment de son expérience et vérifié après, soit qu'il l'ait appris ultérieurement du corps médical.

Rechercher les dossiers médicaux eût été une opération très longue et hasardeuse ; aussi ne l'avons-nous pas tentée. Seule une mort clinique eût valu d'y consacrer temps et énergie.

Deux témoins, ayant eu apparemment une simple perte de conscience, ont fait l'hypothèse a posteriori d'un petit arrêt cardiaque. La possibilité n'est pas à exclure, mais on peut aussi considérer qu'il s'agissait de raccrocher l'expérience à un « modèle déposé », l'accent, depuis Moody, étant mis sur la proximité de la mort comme déclencheur. Ce modèle étant à la fois validé et relativisé par l'enquête française, il n'est pas absolument nécessaire de recourir à cette supposition pour s'intéresser à ces expériences.

On peut regrouper les circonstances d'advenue de l'expérience en 9 catégories. L'échantillon est ainsi constitué de

- 11 interventions chirurgicales sous anesthésie générale, dont 3 arrêts cardiaques, une mort apparente et 3 comas diagnostiqués ;

- 2 comas consécutifs à un accident de la route, l'un de 36 heures, l'autre de 21 jours ;

- 2 malaises au cours d'une maladie grave ;

- 2 chocs allergiques à un médicament ;

- 1 asphyxie avec coma ;

- 1 noyade ;

- 1 électrocution ;

- 5 pertes de conscience ;

- 1 régression sous hypnose, avec état général très faible.
 
 

Expérience sans perception de mort imminente

34,6 %, c'est-à-dire 9 sujets, n'ont pas eu de perception de mort imminente. Pour 5 d'entre eux s'est produite une perte de conscience. En effet nous ne sommes pas habitués à associer ce type d'accident avec un danger de mort.

Avons-nous dans ces cas des NDE caractérisées, limites ou limitées 4 ?

3 se rapprochent bien du modèle (n°s 2, 4, 22), 2 sont limites ou limitées (n°s 11, 12).

Pour les 2 anesthésies générales sans mort perçue, on a une expérience se produisant en fin d'anesthésie, juste avant le réveil, sans sortie du corps ni tunnel (n° 28), et pour l'autre cas (n° 59), il ne s'agit que d'une décorporation, même si les répercussions sont identiques. Les deux NDE sont donc limites ou limitées.

Enfin, les 2 autres cas sont des accidents de la circulation : l'un avec probablement choc arrière, ne permettant normalement pas à la conscience d'anticiper (n° 1), ce qui aurait pu avoir lieu pour le second (percussion d'un mur à 100 km/h, éjection du conducteur), mais l'expérience s'est produite plus tard, pendant le coma (n° 8).

L'une est caractérisée, mais résonne de façon atypique, l'autre est limitée.
 
 

Expérience avec perception de mort imminente

Pour 17 expériences, soit 65,4 %, il y a eu perception de mort imminente (n°s 3, 4, 6, 7, 9, 10, 13, 14, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 23, 27, 36), mais pour 5 d'entre elles, l'état critique est incertain (n°s 3, 10, 13, 18, 23).

Avons-nous pour autant des NDE caractérisées ? Oui, sauf 7 cas (n°s 9, 10, 13, 17, 18, 21, 23). Parmi les 7, 4 n'étaient pas à proximité réelle de la mort : nous avons 2 expériences limites, une OBE et une très proche en qualité de NDE caractérisée ; 3 sujets étaient en situation critique et n'ont eu qu'une OBE, ou un début de NDE, mais allant beaucoup plus loin que les autres expériences limites ou limitées (sans perception de danger, qu'il existe ou non, ou avec perception sans qu'il existe réellement).
 
 

1. Nos collègues de IANDS-Royaume-Uni sont en train de dépouiller 350 questionnaires remplis par des témoins anglais. Ces témoins ont été sélectionnés sur témoignage spontané. Il s'agit donc aussi d'enquêtes rétrospectives. Nous avons pour notre part, refusé de nous en tenir à un contact écrit pour les recueils d'interviews. La méthode anglaise permet une très grande économie de temps et fournira des données quantitatives importantes, complémentaires de notre richesse qualitative.

2. Le protocole d'enquête IANDS a été établi avec la collaboration de tous les chercheurs de l'IANDS qui avaient des propositions à faire. Cela a nécessité de longs mois de consultation et une pré-enquête pour aboutir à son état actuel utilisé pour l'enquête principale. Il comporte obligatoirement l'enregistrement sur bande magnétique d'une narration libre, suivie d'un questionnaire dirigé de 152 items avec subdivisions ouvertes ; tous deux sont retranscrits et rendus anonymes pour une utilisation par les chercheurs. Il est complété par un test de personnalité (Minimult révisé de 69 questions). Les chercheurs s'engagent par écrit à contrôler la circulation de ces documents, et les témoins volontaires nous signent une autorisation d'utilisation qui leur garantit en retour l'anonymat. Pour tout renseignement complémentaire, nous consulter.

3. Heading Toward Omega : In Search of the Meaning of the NDE. Quill William Morrow, New York, 1984-1985, est une étude concentrée sur les répercussions de la NDE. Elle est fondée sur 111 témoignages (42 interviews directes, le reste étant extrait de 174 questionnaires envoyés et remplis par écrit et de 150 lettres de témoignages spontanés). Seules les 42 interviews correspondent au mode de recueil des données de notre enquête. Le livre est paru en français en juin 1991, aux Editions Laffont, En roule vers Oméga.

4. Voir les définitions dans mon article « Invariance et multiplicité de l'EMI... ».
 
 

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Annexe 2

TABLEAU RÉCAPITULATIF DE LA PHÉNOMÉNOLOGIE DE LA PRÉENQUÊTE IANDS-FRANCE

Légende des intitulés des colonnes et des notes

Évelyne-Sarah MERCIER
anthropologue

 

N° de référence IANDS-France : numéro donné par ordre d'attribution des interviews pour préserver l'anonymat des témoins. Les numéros manquants correspondent soit à des impossibilités techniques d'utiliser les témoignages recueillis, soit à des rendez-vous manqués.

Sexe : il y avait à l'origine plusieurs hommes, ils se sont trouvés dans les rendez-vous manqués.

Année NDE : année au cours de laquelle s'est produite l'expérience.

Connaissance préalable de la NDE : les témoins ont-ils eu connaissance de l'existence de telles expériences ?
N.B. : Le premier livre grand public (Moody) est paru en 1975 aux USA, en 1977 en France.

Age lors de la NDE : âge du témoin au moment de son expérience.

Ancienneté de la NDE : ancienneté de l'expérience au moment de sa narration à l'IANDS.

Circonstances de l'expérience : communiquées par le témoin. Compte tenu de l'ancienneté des NDE, de l'imprévisibilité du besoin futur du dossier médical au moment de l'expérience et de la difficulté à retrouver et à obtenir ces dossiers, nous ne disposons pas de données médicales précises. La mention d'un éventuel arrêt cardiaque est parfois une hypothèse a posteriori du témoin.

Perception de mort imminente : par le témoin, indépendamment de ce qu'il a pu entendre et pas nécessairement avant que ne se déclare l'expérience.

Bien-être, paix... : sérénité, équanimité...

Sensation de décorporation : avec, si mentionné, observation d'une position excluant a priori une possibilité de perception à partir du corps physique ; vision au minimum de ce corps physique, souvent de ce qui s'est passé aux alentours du corps, au mieux de lieux et personnes situés à distance.

Vision de lumière : à distance, pour différencier de la phase suivante.

Entrée dans une autre dimension : autre état de conscience, d'espace et de temps ou autres lieux, tels que paysages, constructions, etc.

Rencontres : parents décédés ou entités diverses (spirituelles, guides ou autres).

Décision de retour : quand elle a été perçue consciemment.

Antécédents : ne sont répertoriés que ceux qui ont été révélés par le questionnaire de IANDS. La sélection m'est personnelle. C'est par rapprochement qu'ils m'ont paru significatifs.

Dons psi : décorporation, médiumnité, clairvoyance, guérison, vision d'auras, etc.

Rêves particuliers : rêves lucides, de vol ou de pénétration dans une autre dimension.

Changements : auto-évalués par le témoins. Changements dans l'échelle des valeurs, dans les comportements, apparition de dons psi, etc.
 
 

 
N° de réf. IANDS-Fr
Sexe
Année de la NDE
Connaissance
préalable NDE
Age lors de la NDE
Ancienneté de la NDE
1
21
32
43
4
5
6
7
8
9
10
11
12
134
14
16
17
18
19
20
21
22
23
27
28
365
F
F
F
F

F
F
F
M
F
F
F
F
F
F
F
F
F
F
F
F
F
F
F
F
F

1985
1977
1968
1955
1935
1965
1962
1959
1977
1966
1983
1966
1984
1979
1982
1983
1942
1952
1950
1968
1954
1972
1966
1954
1971
1968
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
Non
33
19
37
26
6
33
17
40
42
30
57
18
35
40
22
26
17
23
26
34
28
20
47
9
25
26
3
11
22
34
54
20
27
30
12
23
6
23
5
10
6
21
47
36
39
21
35
17
12
35
18
21

1. Ce témoin a fait une deuxième NDE le 01.01.1991 : perte de conscience, lumière en direct, rencontre d'entités lui apportant soutien moral et physique après la mort de sa grand-mère (celle qui assistait aux séances de spiritisme de sa soeur, la grand-tante du témoin, et que le témoin maternait dans ses dernières années de vie).

2. Cette femme a eu une expérience comportant un aspect NDE deux ans plus tard : perte de conscience le lendemain d'une opération (à la suite d'une chute). Elle a vu deux parents décédés (sa grand-mère qui l'a élevée et un oncle qu'elle aimait beaucoup toute petite) discuter de son destin et décider de son renvoi sur terre.

3. En ce qui concerne sa NDE à 6 ans, elle n'a pas été interrogée sur les répercussions. Mais elle nous a signalé qu'à la suite de son expérience, elle se regardait dans la glace à la recherche de ses ailes qu'elle supposait en train de pousser dans son dos.

4. Ce témoin a vécu en 1984 une autre NDE à la suite d'une opération ratée, dont la reprise a traîné douze jours et qui a occasionné un supplice physique. Au bout de sa souffrance et au bord du suicide, le témoin s'est senti aspiré par un tourbillon inconnu et noir, inhumain, effrayant, bruyant, agité mais non douloureux. Du coup, son opinion en ce qui concerne la mort n'est plus certaine.

5. Témoin interviewé dans le cadre de l'enquête principale, mais pour lequel je disposai, dès la préenquête, d'un témoignage écrit très complet. Des aspects originaux y figurant, j'ai jugé utile de l'ajouter à cet échantillon.
 
 

N° de réf. IANDS-Fr
Circonstances de l'expérience
Perception de mort imminente
Bien-être
paix...
1

2

3

4

4

5

6

7

8

9

10

11

12

13

14

16

17

18

19

20

21

22

23

27

28

36

Chute de vélo, coma 36 h

Régression sous hypnose

Pneumonie virale

Intervention chirurgicale, mort apparente 

Evanouissement (arrêt cardiaque ?) 

IVG avec anesthésie générale 

Complications postopératoires, coma + arrêt cardiaque

Choc allergique à un médicament 

Accident de voiture, coma de 21 jours 

Asphyxie, quelques heures de coma

Léger malaise le lendemain d'une chimiothérapie

Assoupissement / Perte de conscience (arrêt cardiaque ?)

Syncope

Perte de conscience

Intervention chirurgicale, coma de 4/5 heures 

Grossesse extra-utérine rompue, coma 

Electrocution sur rails chemin de fer 

Choc allergique à un médicament 

Grossesse extra-utérine rompue, arrêt cardiaque

Retrait de placenta sous anesthésie 

IVG + hémorragie

Assoupissement / Perte de conscience ? 

Syncope

Noyade, 9 à 10 heures dans l'eau 

Intervention chirurgicale

Intervention chirurgicale, arrêt cardiaque de 45 secondes

Non

Non

Oui

Oui

Non

Non

Oui

Oui

Non

Oui

Oui

Non

Non

Oui

Oui

Oui

Oui

Oui

Oui

Non

Non

Non

Non

Oui

Non

Oui

Oui

Oui

Oui

Oui

Oui

Oui

Oui

Oui

Oui

Oui

Oui

Oui

Oui

Oui

Oui + passages
douloureux

Oui

Oui

Oui

Oui

Oui

Oui

Oui

Oui

Oui

Oui

Oui

N° de réf. IANDS-Fr
Sensation de décorporation
Tunnel, obscurité
Vision de la lumière
1

2

3

4

4

5

6

7

8

9

10

11

12

13

14

16

17

18

19

20

21

22

23

27

28

36

Simple aspiration

Oui + Observations

Simple aspiration

Oui + Observations

Non

Oui + Observations

Oui + Observations

Non

Oui

Oui + Observations

Partielle

Non

Non

Oui + Observations

Oui + Observations

Oui + Observations

Oui + Observations

Non

Oui + Observations

Oui + Observations

Non

Non

Non

Oui + Observations

Non

Oui + Observations

Non

Tunnel

Comme un Ruisseau étroit

Obscurité

Puits

Puits

Simple chute

Tunnel

Tunnel et Obscurité

Non

Non

Non

Puits

Non

Sensation de passage

Entonnoir au retour

Non

Non

Tunnel + Ascension

Canal de lumière

Tunnel lumineux

Simple aspiration en tourbillon

Non

Tunnel

Non

Obscurité

Non

Oui

Oui

Oui

Non

Non

Oui

Oui

Oui

Non

Oui

Non

Oui

Non

Non

Oui

Non

Non

Oui

Non

Non

Oui

Non

Oui

Non

Oui

 
N° de réf. IANDS-Fr
Entrée dans la lumière
Entrée dans une autre dimension
Rencontres
1

2

3

4

4

5

6

7

8

9

10

11

12

13

14

16

17

18

19

20

21

22

23

27

28

36

Oui

Oui

Oui

Oui

Non

Lumière tamisée

Non

Oui

Oui

Ambiance lumineuse

Non

Oui

Non

Non

Oui

Oui

Oui

Oui

Oui

Oui

Oui

Oui

Non

Oui

Oui

Oui

Autre lieu

Autre lieu

Non

Non

Autre lieu

Non

Un autre état

Autre lieu

Oui, sans autre lieu

Non

Non

Oui

Non

Non

Oui

Oui, sans autre lieu

Oui, sans autre lieu

Autre lieu

Autre lieu

Non

Oui, sans autre lieu

Oui, sans autre lieu

Autre lieu

Oui, sans autre lieu

Autre lieu

Autre lieu

Non

Entités

Non

Non

Non

Non

Non

Entités

Proches décédés 

Non

Non

Entités

Non

Non

Entités au loin et présence 

Entités au loin et présence 

Présences

Non

Proche décédé et présence

Non

Non

Proches décédés + proches vivants

Non

Non

Non

Proches décédés + entité
+ animal futur

N° de réf. IANDS-Fr
Panorama, bilan de vie
Décision de retour
1

2

3

3

4

4

5

6

7

8

9

10

11

12

13

14

16

17

18

19

20

21

22

23

27

28

36

Non

Non, mais vies antérieures

Non

Non

Non

Non

Non

Non

Non

Non, mais vie future

Oui

Non

Non

Question existentielle oubliée 

Oui

Oui

Non

Non

Non

Oui

Non

Non

Non

Non

Oui

Non

Oui + vies antérieures et vie future 

Non

Imposée par inconnue

Pour ses enfants

Imposée par proches

Non

Non

Non

Non

Imposée

Imposée

Non

Non, mais pense à ses enfants 

Oui, pour avoir des enfants

Non

Non

Oui

Oui

Oui, pour sauver sa mère qui venait le secourir

Pour ses enfants et ses proches

Imposée par proche pour avoir un enfant 

Non

Non

Non

Imposée

Non

Non

Oui, pour ses proches

N° de réf. IANDS-Fr
Antécédents
Changements
1

2

3

4

4

5

6

7

8

9

10

11

12

13

14

16

17

18

19

20

21

22

23

27

28

36

Inceste

Dons psi dans l'enfance, ainsi que chez son père et sa grand-tante

Père en captivité à 11 ans, cousin décapité à 15 ans,
perte ultérieure d'un enfant

Née à peine viable, enfance maladive, climat familial violent,
rêves particuliers

-

A 2 ans, tentative d'homicide sur sa mère alors qu'elle se trouvait
dans ses bras

Père en mort imminente

Perte de sa mère à 11 ans 

Juste avant expérience, séparation brutale avec être

Subi les bombardements en 39-45, perte ultérieure d'un enfant,
grand-mère ayant eu une NDE

Deuil très douloureux du père, bombardements, perceptions psi,
yoga

Mort d'un ami très cher à 7 ans, rêves particuliers,
religion personnelle dès 5 ans

Décès de proches dont un enfant, héautoscopies

Rêves particuliers, dons psi chez sa mère

Dons psi toute petite, grand-mère en psychiatrie suite divorce et
déracinement, mort imminente du père à 15 ans, déracinement,
épreuves familiales

Rêves particuliers dans un contexte familial les favorisant

Enfance très pieuse, séparation brutale figure maternelle,
mort du père à 17 ans, dons psi chez sa soeur, rêves particuliers,
perte ultérieure d'un enfant de 7 ans

Rêves particuliers, enfance très pieuse

Mort du père à 3 ans, enfance en orphelinat tenu par
des religieuses, mère en psychiatrie

Séparation brutale d'un ami très cher à 8 ans, déportation de
proches, contexte menaçant de la guerre, rêves particuliers

Rien (en apparence)

Décès du père à 10 ans

Violences subies dans l'enfance y compris tentatives d'infanticide
de la part de sa mère, perte du grand-père (compagnon de jeu)
à 15 ans, rêves particuliers, enfance très pieuse

Exode brutale en une nuit, séparée 6 mois par an de ses parents,
rêves particuliers

OBE, rêves particuliers

Mort du petit frère adoré de 7 mois, à 11 ans

Oui

Oui

Oui

Oui

?

Oui

Oui

Oui

Oui

Oui

Non

Oui

Non

Un peu

Oui

Oui

Non

Oui

Oui

Oui, mais précédés d'une dépression de 20 ans (effet retard)

Non

Oui

Oui, mais précédés d'une dépression

Oui

Oui

Oui

N° de réf. IANDS-Fr
Peur de la mort
Croyance survie
Religiosité transformée
1

2

3

4

4

5

6

7

8

9

10

11

12

13

14

16

17

18

19

20

21

22

23

27

28

36

Non

Non

Non

Non

?

Non

?

Non

Non

Non

Non

Non

Non, mais inspire l'ennui

Non, mais...

Non, mais...

Non

Non

Non

Non

Non

Oui

Non

Non

Non

Non

Non

Oui

Oui

Oui

Oui

?

Oui

Ne sait pas

Oui

Oui

Oui

Oui

Oui

Non

Oui

Oui, mais...

Oui

Ne sait pas

Oui

Oui

Oui

Non

Oui

Oui

Oui

Oui

Oui

Radicalement (athée avant NDE) 

Croyance devenue foi

Ouverture au transreligieux
+ indépendance vis-à-vis du dogme 

Oui (dans le sens mystique)

?

Oui
Pratique de nouveau

Oui + indépendance vis-à-vis des représentations
instituées

Oui, en direct avec Dieu

Radicalement (athée avant NDE) 

Oui (athée avant NDE)

Non (croyante comme avant)

Non, mais foi indestructible depuis

Non

Non, sauf indépendance prise
vis-à-vis du dogme

Oui (plus sobre)

Oui, mais hors des églises

Non, mais ouverture au transreligieux 

Non
Foi profonde

Non
Foi profonde

Non, mais élargie au transreligieux 

Non

Oui, hors rituels de l'Eglise

Oui, ouverture au transreligieux

Non, sauf croyance en vies antérieures 

Oui (athée avant NDE)

Oui (dans le sens mystique)

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Annexe 3

UNE APPROCHE PSYCHOLOGIQUE ÉLABORÉE DE LA DÉCORPORATION

Deux contributions américaines à porter au dossier de la NDE

Sylvie FRÉAL
docteur en médecine

 
 

Deux ouvrages américain et australien parus en 1985 ont pris comme sujet une approche psychologique élaborée de la décorporation. Dans le cadre du sous-groupe de recherche « Décorporation », le docteur Sylvie Fréal a traduit ces deux livres. Elle en fait ici le compte rendu, suivi de quelques réflexions.
 
 

With the Eyes of the Mind (Avec les yeux de l'esprit) de Gleen Gabbard et Stuart W. Twemlow, Editions Praeger N.Y. 1984.

Ce livre est écrit par deux psychiatres américains en 1985 : Gleen Gabbard travaille à la fondation Meranger et au Meninger Mémorial Hospital ; Stuart Twemlow est professeur de psychiatrie à l'université du Kansas. Ils définissent l'OBE (Out of Body Expérience, c'est-à-dire décorporation) comme un état altéré de conscience où le sujet ressent son esprit séparé de son corps physique, mais de façon plus « vraie » qu'un rêve.

Ils distinguent :

- l'OBE banale,

- l'OBE des NDE (pseudo-mystique),

- l'OBE ésotérique (avec vérités cosmiques, entités extra-terrestres, etc.),

- l'OBE cauchemardesque (beaucoup plus rare).

Des enquêtes anthropologiques préexistantes révèlent que l'OBE est présente dans 51 cultures sur 54. Les sujets expriment qu'il ne peut s'agir d'un rêve, l'expérience étant plus vraie, plus vivante qu'un rêve, sauf chez les personnes angoissées, où elle apparaît alors plus proche de la dépersonnalisation 1. Le questionnaire de Fowler Jones (PAL 1984) recherche (en vain) un profil psychopathologique particulier aux expérienceurs.

Les auteurs établissent un diagnostic différentiel avec les autres états altérés de conscience que sont :

- la dépersonnalisation,

- l'héautoscopie,

- la schizophrénie,

- la rêverie diurne,

- le rêve lucide,

- les états crépusculaires,

- le rêve banal (du sommeil paradoxal).

Une revue de la littérature scientifique montre des différences de fréquence de l'OBE : certains comme Greyson et Stevenson (1980) trouvent que 70 % des sujets ont un état OBE au moment de leur NDE, alors que l'enquête Gallup (1982) montrait que si 5 % de la population des USA ont eu une NDE, la composante OBE n'existait que dans 26 % des cas (mais cela provient peut-être d'une définition moins large de la NDE, dans leur questionnaire).

Les modèles explicatifs peuvent être regroupés en cinq catégories faisant référence à :

a) une programmation culturelle et religieuse

En fait, on a pu démontrer que la NDE présentait une invariance remarquable, quelle que soit la variété de paramètres culturels, démographiques ou personnels.

b) des explications neurophysiologiques

Des endorphines libérées dans la zone limbique déclencheraient des hallucinations endogènes, mais ce n'est pas parce que des hallucinations du même genre sont déclenchées par certaines drogues, par exemple, qu'il faut nécessairement en déduire qu'elles ont la même cause sous-jacente. Quant à l'explication par l'anoxie cérébrale, les sujets placés sous oxygène au SAMU font aussi des NDE 2...

c) un modèle de naissance

Pour Sabom et Grof, la NDE serait une « récapitulation de naissance » (mémoire primale, partagée par tous : tunnel = canal vaginal, sensation de vol = éjection hors de l'utérus). En fait, il est certain que l'imagerie NDE ne peut être produite par un nouveau-né, à cause de son immaturité cérébrale.

d) des explications psychologiques

Pour Noyés et Kletti, la NDE serait une scission défensive de type « dépersonnalisation », entre un « moi observant » calme et détaché, refusant, niant toute connexion avec le « moi fonctionnant », sur le point d'être détruit. Twemlow et Gabbard distinguent les OBE qui surviennent « avant la mort » (au cours d'accident, maladie, anesthésie, fièvre), qui ressemblent plus à des phénomènes de dépersonnalisation, et les OBE « après la mort » (ou plutôt après la phase critique, c'est-à-dire l'arrêt cardiaque) qui seraient, elles, les véritables OBE.

Grosso (1981) propose l'hypothèse jungienne d' « Archétype de Mort », c'est-à-dire d'une structure psychique collective assistant l'homme à certains moments de crise d'individuation.

Pour Greyson, il y a dans la NDE une fonction qui viserait à satisfaire des besoins psychologiques de l'individu : le sentiment d' « unité cosmique » de la NDE serait lié à la perte des limites de l'Ego, par une régression vers les étapes de développement infantile préverbal auxquelles ferait référence l'ineffabilité mystique, le changement profond de personnalité qui suit la NDE provenant, lui, de la labilité et de l'impressionnabilité de la petite enfance.

e) les explications paranormales

L'expérienceur typique croit en la « réalité » de son expérience, croit que son âme s'est séparée de son corps physique, a voyagé au-dehors, est revenue. Mais comme le survivant NDE n'était pas véritablement mort, mais seulement proche de la mort, on peut douter qu'aucune étude de NDE puisse trancher définitivement sur l'hypothèse d'une survie après la mort. Sabom (1982) étudie 116 expériences : dans 6 cas seulement il n'y avait d'autre explication possible que d'admettre une perception « extrasensorielle » (extracorporelle) exacte des événements de l'environnement physique ; malgré tout, cela ne constitue pas la preuve d'une après-vie, puisque ces sujets n'étaient pas vraiment morts.

Twemlow et Gabbard, eux, admettent une explication non pas unique mais multicausale du phénomène.

Ils étudient l'influence du contexte sur la NDE : les NDE peuvent survenir dans un contexte proche de la mort, mais aussi pendant la méditation ou la relaxation, dans un contexte de santé excellente. T. et G. analysent des cas de NDE d'enfants et leurs différences avec les NDE d'adultes : ainsi il n'y a pas de « revue panoramique » de la vie chez le jeune enfant ; ce qui ne surprendra personne. *

* {Et pourtant, j'ai connu une " revue panoramique ", en deçà de ma propre existence, lors d'un début noyade à l'âge de 12 ans et demi, et j'ai rencontré, à cette occasion, l'un de mes ancêtres qui l'a connue lui-même à l'âge de 13 ans, lors d'une noyade ' accidentelle ' fatale. C.B.}.

Si la phénoménologie des NDE est constante, quelles que soient les données démographiques et culturelles, c'est leur interprétation qui dépend de la culture et de l'expérience de chacun. Ainsi les hindous identifieront l'Etre de Lumière comme un yogi célèbre et les chrétiens comme le Christ. D'autres ne verront qu'une lumière sans face ni corps discernable, mais pleine d'amour et de paix : du point de vue psychanalytique, les « objets signifiants » (personnes) dans la vie d'un sujet sont des objets de « transfert » à un degré ou à un autre : c'est-à-dire que la façon dont un objet est perçu, est en partie fonction des qualités attribuées à cet « objet » par celui qui perçoit,, en fonction de son propre passé : la façon dont l'expérienceur perçoit l'Etre de Lumière dépend de ses propres objets internes. L'être de Lumière serait la projection de l' « Objet Parental », du « Parent intériorisé » ayant les qualités de « Surmoi » et d' « Idéal du Moi », procurant donc protection, réconfort, amour, voire sauvetage de la mort.

Une preuve à l'appui de cette interprétation est que les êtres vus par l'expérienceur sont souvent des parents décédés qu'il aimait.

Selon son âge, l' « enfant percevra l'être de Lainière de façon tout-bon » ou « tout-méchant » avant la phase oedipienne (de 3 à 7 ans), et beaucoup plus riche et nuancée après celle-ci ; ce qui semble bien prouver que la figure perçue dans la NDE l'est à travers un filtre individuel déterminé par l'âge de l'enfant et son expérience avec les objets signifiants de son entourage.

Pour Freud, l'Ego est an organe exécutif impersonnel pris entre les pressions internes de l'idéal du Moi et du Surmoi d'un côté, et les pressions externes de l'environnement de l'autre.

Federn décrit un « Ego-feeling », dont la base métapsychologique est un investissement d'énergie mentale (appelée cathexie) dans certains processus corporels et mentaux interdépendants. Ce sentiment de l'Ego fluctue d'ailleurs dans la journée ; pour Federn, Ego mental et Ego corporel fusionnent : l'Ego mental étant perçu à l'intérieur de l'Ego physique, sauf dans le rêve, la lipothymie 3, la transition veille/sommeil, et l'OBE.

Dans l'OBE, l'Ego mental seul est ressenti aux dépens de l'Ego corporel. Twemlow et Gabbard postulent alors un continuum de perception altérée Esprit-Corps allant de l'OBE classique à la Dépersonnalisation et à la Déréalisation 4 au milieu du spectre, aux perturbations (pathologiques) du corps schizophrénique à la fin du spectre.

Pour expliquer le paradoxe que l'Ego corporel a été apparemment désinvesti, mais que la sensation corporelle demeure dans l'état OBE (puisque 76 % des sujets se retrouvent dans une forme similaire à un corps physique), Schilder (1935) parlait de « schéma corporel »; ce « schéma corporel » représente la connaissance mentale constante que quelqu'un a de son corps : c'est un phénomène cognitif (= intellectuel) de représentation mentale du corps. Dans l'OBE, en dépit du désengagement de l'Ego mental hors du corps physique, le schéma corporel élaboré par l'Ego mental persiste, et le sujet a alors la sensation subjective d'avoir un corps « astral » ; si dans cet état il touche le mur, ce qui est « hors du corps » est un « engramme » de toucher : une trace mémorielle que le sujet ne peut différencier du sens du toucher réel qu'il a quand il est dans son corps physique.

Cette sensation d'avoir un corps, quand on n'en a pas, rappelle la sensation bien connue du membre fantôme des amputés : ainsi, quand l'intégrité du corps physique de l'image corporelle est menacée, des mécanismes restitutifs vont tenter de restaurer la sensation d'un corps complet. C'est ce qui se passe dans l'OBE, où la conscience du sujet, habituée à vivre dans un corps physique, se reconstitue aussitôt un deuxième corps (ce qui différencie l'OBE de la dépersonnalisation où il n'y a pas de deuxième corps). Contrairement au schizophrène, celui qui se décorpore a des limites de l'Ego intactes et son schéma corporel est alors complètement « cathexé » avec l'Ego corporel - sans la composante du corps physique. Dans le rêve, nous ne sommes pas ordinairement conscients de l'absence d'Ego corporel, contrairement à l'OBE où l'on est vraiment conscient de cette déficience.

Dans l'OBE où les limites de l'Ego sont intactes, le sujet n'a pas de difficultés pour se différencier des objets de son environnement. Cela explique aussi le sentiment que l'OBE est « plus réelle qu'un rêve » : dans l'OBE, un Ego-feeling total et une limite corporelle intacte sont tous deux présents, donc les perceptions de l'OBE sont ressenties comme réelles parce qu'elles affectent une limite de l'Ego intacte (même si elles contredisent parfois la réalité). Ainsi ce qui est senti comme une pensée est un processus mental qui gît à l'intérieur de ces limites, et ce qui est au-dehors de ces limites est ressenti comme réel : sans limites de l'Ego, il n'y a pas de moyens pour différencier ce qui est pensée de ce qui est réalité : Federn note que le changement hypnagogique au bord du sommeil consiste en l'effacement de l'Ego et des limites de l'Ego. De même, les limites de l'Ego disparaissent dans la schizophrénie, et ceci produit des hallucinations que le schizophrène ne peut différencier de la réalité.

Mais la question qui nous préoccupe tous est bien celle de la séparation du corps et de l'esprit.

Les expériences menées en laboratoire ont montré que :

a) Les essais de détection du « soi astral extériorisé », par divers détecteurs, ne sont pas concluants. Il peut s'agir seulement de psychokinèse, télépathie ou clairvoyance.

b) Nous sommes de mauvais observateurs de notre environnement, aussi bien dans cette réalité-ci que dans la réalité astrale.

De plus, depuis la découverte des quanta, la notion de réalité objective, indépendante de l'observateur, est devenue obsolète : la réalité est une expérience participative, colorée par les souhaits, croyances, pensées, préjugés, vécu antérieur de celui qui perçoit, en même temps que par son état de conscience.

En ce qui concerne les expériences scientifiques, Rosenthal (1977) a démontré le risque de « biais expérimental », c'est-à-dire que les croyances de l'expérimentateur et ses attentes influencent de façon significative la réalité du résultat.

D'autres biais tels « l'effet-lieu » (où le sujet ne peut réussir en laboratoire en dehors de son cadre familier), l' « effet-témoin » (où une personne sceptique bloque l'expérience), et l' « effet de déclin » (c'est-à-dire l'impossibilité d'obtenir plusieurs fois le même résultat), font penser que la « réalité » de l'OBE ne sera probablement jamais démontrable en laboratoire ; mais elle est « réelle » à coup sûr pour le sujet ; c'est pourquoi, disent Twemlow et Gabbard, nous sommes plus intéressés par la psychologie du phénomène que par une démonstration objective de la séparation de l'âme et du corps, et n'oublions pas que, face à la terreur de la mort, les humains ont besoin de croire au « piège » dualiste esprit-corps.

Grosso (1976) dit que c'est une erreur de croire que la conscience est située dans le corps et en sort dans l'OBE et la NDE : il pense que c'est plutôt le corps qui est situé dans le champ de la conscience.

Pour Twemlow et Gabbard, le point de vue philosophique le plus heuristique serait le monisme : là où le dualisme affirme qu'il y a deux principes, le monisme repose sur un principe de base qui peut être l'esprit, selon la thèse bouddhiste, ou la matière (cf Globus et Feigl).

Pour Globus, les éléments fondamentaux ne seraient ni mentaux ni physiques, mais structurels. Cette structure commune varie avec la position de l'observateur : l'observateur scientifique, lui, peut maintenir la distinction sujet-objet, contrairement à l'expérimentateur d'états altérés de conscience ; il s'agit là non d'altérations du contenu de la pensée (contenu délimité), mais d'altérations perceptives de la conscience de soi (non délimitée et délivrée d'une perspective spatiale) ; ce qui explique que l'OBE soit vécue comme une « sortie » de la conscience désenclavée du corps.

Pour Twemlow et Gabbard donc, l'OBE est un état altéré de conscience qui survient quand l'énergie mentale s'est retirée de l'Ego corporel : la sensation d'Ego dissocié existe donc ; le sujet a la sensation que son esprit est déconnecté de son corps ; il y a alors un effet perceptif restitutif et le schéma corporel est réinvesti avec l'énergie mentale de façon que le sujet se sente entier, et les images de ce qu'on verrait ordinairement, si l'on regardait d'un endroit hors du corps, ces images « internes », qui sont des approximations de l'environnement, sont vues comme réelles. Ces images « fabriquées » sont acceptées connue réelles afin de donner un sens interne à une expérience inhabituelle, et pour pouvoir continuer à croire à un schéma dualiste.

Ce modèle réfute la notion que l'OBE puisse être une hallucination due à un esprit dérangé. L'OBE spontanée est un événement isolé qui n'est relié ni à une maladie, ni à un dysfonctionnement connu, ni à une perte de contact environnemental.

Mais de nombreuses inconnues demeurent. Le livre se termine sur ces réflexions d'Allen Wheelis (1980) : « La conscience est une flamme brillante liée au corps comme la flamme à la chandelle ; elle ne peut pas plus lui survivre que la flamme ne survit à la chandelle quand celle-ci est usée. Mais ce " Moi ", cette conscience logée dans cette flamme individuelle, peut-il s'échapper pour retourner au loin dans une sorte de Lumière-Mère ? Est-ce qu'on peut identifier le " Moi " avec une " vie au-delà du Soi " ? » Cette question reste posée.
 
 

1 - Perte temporaire de la perception de certaines parties du corps ; parfois on peut avoir la sensation de s'observer à distance (mais avec un sentiment de vide désagréable, ce qui n'est pas le cas dans l'OBE).

2. Les investigations EEG (électroencéphalographiques) n'ont pas montré grand-chose, sinon que les conditions optima de survenue des OBE se feraient dans des états de « transition » : sommeil profond/sommeil léger, ou sommeil léger/état hypnagogique, ou sommeil profond/coma ; l'OBE sur-viendrait pendant un changement d'état plutôt que dans un état stable.

3. Perte graduelle de conscience pouvant aller jusqu'à l'évanouissement.

4. Etat dans lequel les objets familiers deviennent étranges et non réels.


Flight of Mind A Psychical Study of the Out of Body Experience (Le Vol de l'esprit) de H.J. Irwin, The Scarecrow Press, Metuchen, N.J. et Londres, 1985.

Pour Irwin, l'absorption mentale (concentration, focalisation très forte de l'attention, qu'elle soit marquée par une hyper ou une hypovigilance) et le facteur a-somatique (c'est-à-dire la perte des perceptions corporelles) donnent à la personne l'impression (d'abord subconsciente) d'être hors de son corps physique : elle n'est alors qu'une conscience pure qui n'est plus spatialement liée à son corps physique. Si elle n'est plus dans son corps physique, pourquoi ne flotterait-elle pas, apparemment libre ?

Quand l'expérience OBE se prolonge suffisamment, le sujet s'en rend compte, et va tenter de « recoder » ce sentiment bizarre d'avoir soudain une conscience décorporée, c'est-à-dire qu'il va se représenter mentalement cet état décorporé, en se fabriquant une image somesthésique 1, passive, d'un SOI statique flottant : il recourrait, en somme, à un processus psychologique lui servant à se représenter la chose sur un mode plus rassurant, car on n'a pas l'habitude de vivre avec une conscience qui ne soit plus située dans le corps.

Irwin pose une hypothèse complémentaire : une autre opération intellectuelle est nécessaire : la synesthésie 2, qui produit le glissement de l'image somesthésique du Soi décorporé en une image visuelle où le sujet va faire appel à sa mémoire pour reconstruire son environnement et choisira de préférence un coin de plafond pour des raisons de facilité de repères spatiaux.

Le sujet est persuadé de la « réalité » de ce qu'il voit grâce à la grande absorption mentale dans laquelle il se trouve, et grâce à ce fait admis sans restriction que son Soi est réellement hors du corps. En opposition à ce qui se passe dans d'autres états absorbés ou dans le rêve, l'expérienceur affirme rétrospectivement qu'il était réellement hors de son corps.

Ce Soi décorporé statique, donc situé dans un environnement proche du corps, peut s'en éloigner ; ce qui, dans l'esprit de la personne, signifie qu'elle doit donc avoir des jambes pour se mouvoir, voire des mains pour déplacer des objets ; d'où l'élaboration d'un « corps astral » habillé de façon imaginaire selon le fantasme de l'expérienceur.

Si le contenu de l'OBE est imaginaire, le sujet, lui, est persuadé de vivre une réalité, du fait de sa grande absorption mentale à ce moment-là, et peut-être aussi parce qu'il peut se produire, pendant l'OBE, des perceptions et transmissions extra- sensorielles (car l'absorption est un état psycho-inductif). Irwin explique par exemple que, par communication télépathique, une personne éloignée pourrait percevoir (avoir une conscience hallucinatoire de) la forme parasomatique (corps astral) de l'expérienceur.

La fin de l'expérience peut se faire brutalement ou doucement par un détournement de l'attention vers le corps physique, c'est-à-dire par un decrescendo de l'absorption mentale. L'intérêt pour le corps physique pourrait se traduire par l'image mentale d'un « cordon astral » parfois pulsatif, tirant vers, ou reliant, le Soi décorporé au corps physique.

Ce modèle hypothétique explicatif d'Irwin rend compte de trois caractéristiques du phénomène :

- l'impression d'être extériorisé,

- les origines de cette imagerie hors du corps,

- la nature des structures astrales.

En résumé, selon Irwin, l'OBE est un « vol » de l'esprit, de la conscience, qui survient, et se maintient un certain temps, grâce à certaines conditions mentales et physiques : absorption mentale + facteur asomatique + synesthésie.

Cette conscience altérée (en expansion) perçoit alors la « réalité » d'une façon différente, en reconstituant, grâce à la mémoire, l'environnement habituel vu d'un point extériorisé (à hauteur du plafond) et/ou en imaginant d'autres lieux (voyage astral) et en se reconstituant un deuxième corps (par habitude), sorte de véhicule pour ce voyage.

Selon lui, à l'état dit « habituel », nous percevons une « pseudo-réalité » subjective que nous prenons pour la Réalité elle-même, alors qu'elle n'est qu'une facette de la Réalité, celle que nous pouvons percevoir par nos organes des sens limités, nos projections et nos désirs interprétatifs conscients et subconscients. En ce sens, le corps physique est une sorte de prison réductrice : la Conscience dégagée du corps physique aurait-elle accès à d'autres « réalités », ou à d'autres facettes de celle-ci, ou s'agit-il simplement d'un voyage imaginaire ? Mais qu'est-ce que l'imagination ? En effet, l'existence de phénomènes paranormaux lors de ces vols, tels que clairvoyance, vision à distance, télépathie, est troublante, et ne penche pas en faveur d'une simple fantaisie imaginaire de la Conscience.

L'OBE est un phénomène commun à la nature humaine, à toutes les époques : l'OBE des états proches de la mort nous semble, à cause des moyens modernes de réanimation, particulièrement fréquente et l'on peut penser que les sujets qui n'en gardent pas la mémoire après leur réanimation ont pu en avoir eu une et l'avoir oubliée (tout comme pour le rêve). Dans l'OBE, l'existence d'une pure Conscience dans toute son étendue, dans toutes ses possibilités, grâce à la mise au repos des processus corporels, fait penser que la mort physique (par définition : mise au repos total, irréversible, du corps) aboutit à la libération définitive de cette Conscience et autorise l'existence d'une vie après la vie. Mais on ne peut pas le prouver, car les personnes qu'on a réussi à réanimer n'étaient pas vraiment mortes.

La NDE constitue-t-elle la dernière fusée d'une Conscience vacillante retournant au néant ? C'est ce que supposent les théories neurophysiologiques ou psychologiques. Est-elle l'envol d'une conscience retournant au sein de la conscience originelle faite d'amour et de connaissance ? C'est ce que prêchent les théories religieuses et philosophiques. On ne le saura fort probablement que le moment venu. C'est le grand mystère de la vie.
 
 

1 . Du grec soma (corps) et aesthesis (sensibilité), sensation d'avoir un corps.

2. Passage d'une expérience d'un mode sensoriel à un autre, expérimentation en modèle croisé. Exemple : la couleur rouge donne une impression de chaleur.
 
 

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Annexe 4

PRÉSENTATION DE IANDS

 

 


L'IANDS est une association internationale dont l'origine remonte au début des années 80, lorsqu'aux Etats-Unis John Audette, bientôt rejoint par Kenneth Ring, décida de créer une association destinée à étudier l'expérience modélisée par Moody.

Il existe, à l'heure actuelle, IANDS-Belgique, IANDS-France, IANDS-Pays-Bas, IANDS-Pays nordiques, IANDS-Québec, IANDS-Royaume-Uni et IANDS-Etats-Unis. D'autres groupes sont en cours de constitution.

L'association IANDS-France, régie par la loi de 1901, a été fondée en octobre 1987, sur l'initiative d'Evelyne-Sarah Mercier, actuelle directrice et secrétaire générale. Son président était Louis-Vincent Thomas, professeur émérite à Paris-V-Sorbonne (anthropologie sociale).

L'association a pour objet :

- l'étude du phénomène NDE et des phénomènes connexes ;

- la diffusion de la connaissance de cette expérience auprès du grand public et des professionnels intéressés (médecins, infirmières, psychologues, etc.) ;

- l'assistance/conseil aux personnes qui ont vécu une telle expérience.

Juridiquement indépendante des autres IANDS, l'association française s'est structurée de façon rigoureuse afin d'organiser des règles de fonctionnement propres à préserver le groupe, l'individu-chercheur et les personnes qui apportent leur témoignage. Son originalité est de permettre un travail pluridisciplinaire grâce à la rencontre régulière de chercheurs d'origine et de formation diverses.

La recherche est de type scientifique, approche définie comme une démarche d'ouverture, de rigueur et de raison.

IANDS-France représente une pluralité de points de vue et ne souscrit à aucun parti pris théorique. Son but n'est pas de promouvoir une explication de la NDE, mais d'explorer le phénomène et de diffuser le résultat de ses investigations, de la manière la plus appropriée et la plus juste.
 
 

Adresse postale :

IANDS-France

28 Av Flourens Aillaud

04700 ORAISON
 
 

 

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